Quelque 70 personnes venues des trois départements et de plus loin ont participé le 25 avril à Ittenheim à l’assemblée générale de l’association « Orphelins de Pères Malgré nous d’Alsace-Moselle » Des retrouvailles sous forme de revendications à ce jour non satisfaites mais aussi de paroles réconfortantes pour l’OPMNAM.
Depuis 2006, l’association mène bataille pour que soit reconnu le préjudice moral et économique des quelque 20 000 orphelins d’incorporés de force et faire en sorte que la mémoire de leurs pères soit mieux respectée. Qu’en est-il des objectifs lancés depuis 7 ans par Bernard Ernewein, président fondateur?
Alphonse Troestler, délégué mémoire pour la région Alsace, a signalé la prochaine issue du recensement des victimes alsaciennes du nazisme durant la Seconde Guerre mondiale (parmi lesquelles les milliers d’incorporés de force morts au combat ou disparus) : « Les listes des Malgré-nous défunts viennent d’être envoyées à 900 communes pour validation ».
Si les archives soviétiques ont livré leurs informations, elles n’ont pas livré les parcours de tous les disparus : « Tambov était l’ultime étape d’un long chemin de croix qui passait par les chemins de la captivité où il y a eu des pertes énormes (plus de 35% des prisonniers) ainsi que lors des combats à la fin de la guerre…Mais une fois le recensement terminé – les Malgré-nous sont la catégorie de victimes la plus importante – , plus rien ne s’opposera à ce que le Mur des noms « soit concrétisé dans les meilleurs délais ».
Un projet qui s’intègrera justement dans la rénovation du concept du Mémorial de l’Alsace-Moselle dont il sera « un élément mémoriel fort qui permettra au public de prendre en compte la dimension de ce drame, en évoquant nos milliers de morts, soit 10% de la population totale de l’Alsace » a insisté Alphonse Troestler. Certes, ce Mur des noms n’intègrera pas les incorporés de force mosellans, « le département de Moselle ayant fait le choix d’avoir un Mur des noms à Gravelotte », déjà réalisé et conçu avec un autre concept : les victimes militaires des guerres de 1870,1914–1918 et 1939–1945.
Gérard Michel, président de l’OPMNAM a mis en avant « le poids de la Sippenhaft (le représailles des nazis pesant sur la parenté des incorporés de force) qui devrait être mieux expliqué à Schirmeck au Mémorial de l’Alsace-Moselle ». Menaces d’internement en camp et de déportation des familles : des éléments ouvrant aux visiteurs de Mémorial une meilleure compréhension du drame des Malgré-Nous. « Oui, c’est un oubli à réparer, la Sippenhaft doit être rappelée » a convenu M. Troestler.
L’Europe à préserver
A Schirmeck, la nouvelle scénographie du Mémorial de l’Alsace-Moselle aboutira pour les visiteurs « sur une note d’espoir », la patiente construction de l’Europe. Une réalité à protéger a assuré Daniel Hoeffel, ancien ministre, qui a rappelé le processus d’indemnisation de l’incorporation de force auquel il avait pris part.
Venu avec son épouse de Normandie, Jean Bézard a pris la parole pour témoigner du courage inouï à la fois des incorporés de force, pris dans la nasse des combats du Débarquement et qui voulaient s’évader, et des Normands qui les ont aidés. Beaucoup d’émotion et de précision aussi, dans les souvenirs de celui qui était un garçonnet de 9 ans à qui le père avait dit, devant l’étonnement du gamin devant des soldats en uniforme allemand et parlant français : « Ce sont des Alsaciens, plus français que nous. C’est Pétain et Laval qui les ont mis dans les pattes des Allemands ! ». Lors du 70e anniversaire du Débarquement, sera-t-il possible que soient enfin connu le sort de ces Alsaciens-Mosellans qui, par leurs évasions, « ont participé à la victoire des Alliés » ? A voir…L’association SNIFAM (Solidarité normande aux incorporés de force d’Alsace-Moselle) que Jean Bézard a fondée y concourra car, a relevé le président Gérard Michel, « c’est positif de mettre deux régions en symbiose mais il faut se presser ! ».
C’est aussi le souci de l’AERIA (Association pour des études sur la résistance intérieure des Alsaciens) dont Eric Le Normand, historien et chargé de mission pour trois ans, a présenté l’objectif: réaliser un dévédérom sur les résistants alsaciens. Ceux de 40–45 en Alsace (les passeurs par exemple), ceux qui étaient dans la France occupée et ceux qui étaient à l’étranger. Notamment les nombreux incorporés de force qui, après s’être évadés de l’armée allemande, ont pu rejoindre la Résistance dans plusieurs pays européens.
Marie Goerg-Lieby