Le père Félix Lutz, ancien incorporé de force rescapé du front soviétique, évoque pour nous une page dramatique de son odyssée : l’exécution de quatre camarades alsaciens qui s’étaient rendus ou avaient été capturés par l’Armée Rouge. C’était le mercredi 22 septembre 1943.
« C’était il y a 70 ans. Sur le front de l’Est. A Tubitschew, dans l’actuelle Biélorussie. Ce jour-là, mon bataillon de fantassins allemands, dont je faisais partie en tant qu’incorporé de force, occupait un terrain plat offrant une grande visibilité, autant à l’ennemi qu’à nous-mêmes. Soudain, 14 chars soviétiques T34 lancent une attaque, semant la panique dans nos rangs. C’est le sauve-qui-peut ! L’enfer se déchaîne. Je suis poursuivi par un de ces blindés. Il me tire dessus avec un obus anti-personnel, mais celui-ci explose à trois mètres de moi. Il ne fait pas usage de sa mitrailleuse. Je comprends qu’il veut avoir le plaisir de m’écraser. Je suis sauvé par l’équipage d’un Tigre allemand qui met le T34 hors combat. Je continue à fuir vers le soleil couchant, malgré l’éclat d’obus fiché dans ma fesse droite.
Ce jour-là, j’ai perdu quatre excellents camarades alsaciens de la région de Haguenau-Wissembourg. Il s’agit de René Pfeiffer, de Haguenau, qui était fils unique, d’Alphonse Muller, de Niederbronn-les-Bains, Gaston Sené, de Seltz et René Freys, de Walbourg ; les trois premiers avaient ou allaient avoir 19 ans, seul René Freys avait entre 20 et 21 ans. J’appris leur triste sort de camarades allemands qui avaient assisté de loin à la scène : les quatre avaient été faits prisonniers et avaient aussitôt été abattus d’une balle dans la nuque !
Il est inutile d’espérer trouver une tombe. Il n’y en a pas. Les Soviétiques, au moins dans ce secteur, passaient avec leurs blindés sur les cadavres de leurs ennemis, les écrasaient pour en faire une masse de chair, d’os et de sang. Ils les enfouissaient de la sorte, offrant de la nourriture aux corbeaux, aux renards et aux loups.
Tubitschew aujourd’hui
Grâce à un officier parlant russe et faisant partie de 28e Groupe géographique stationné au camp d’Oberhoffen, j’ai eu des nouvelles de Tubitschew. La localité compte actuellement 2100 habitants. Après guerre ont été construits l’église de la Sainte Transfiguration et un monument aux Morts rappelant le sacrifice de soldats inconnus ayant, le 29 septembre 1941, arrêté la moitié d’un régiment.
Tubitschew, comment t’oublier ? Comment oublier ce mercredi 22 septembre 1943 où quatre de mes copains alsaciens ont été assassinés ? Comment oublier la guerre en général ?
Notre pape François a dit : « Plus jamais la guerre ! Plus jamais la guerre ! ». Puisse-t-il être entendu et exaucé ! ».
Père Félix Lutz
* Claude Herold nous informe que seul Henri Sené, né à Wasselonne et demeurant à Seltz d’après la liste de 1945, est répertorié au Volksbund :
Henri Gaston Sene
Nach den uns vorliegenden Informationen ist Henri Gaston Sene seit 01.09.1943 vermisst.
In dem Gedenkbuch des Friedhofes Kiew haben wir den Namen und die persönlichen Daten des Obengenannten verzeichnet
Nachname:
Sene
Vorname:
Henri Gaston
Geburtsdatum:
12.09.1924
Geburtsort:
Wasselonne
Todes-/Vermisstendatum:
01.09.1943
Todes-/Vermisstenort:
Orosdowitza / Newklja / Tupitschew /