Ques­tion de Madame la Dépu­tée Louise MOREL (Bas-Rhin – 6e circons­crip­tion) – Les Démo­crates Ques­tion posée en séance, et publiée le 7 novembre 2024

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INDEMNISATION DES INCORPORÉS DE FORCE EN ALSACE

Mme la prési­dente. La parole est à Mme Louise Morel.

Mme Louise Morel. Monsieur le ministre délé­gué auprès du ministre des armées et des anciens combat­tants, ce n’est pas sans émotion que je prends la parole, tant le sujet que je souhaite évoquer parle au cœur de chaque famille d’Al­sace et de Moselle. Depuis des décen­nies, les inter­pel­la­tions se succèdent sur la consi­dé­ra­tion que la France a témoi­gnée aux incor­po­rés de force des dépar­te­ments du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, mais les réponses n’ont pas apporté l’apai­se­ment. Pour celles et ceux qui l’ignorent encore, les incor­po­rés de force, ce sont 130 000 hommes qui ont été contraints de revê­tir l’uni­forme alle­mand pendant la seconde guerre mondiale et de se battre contre leur patrie. Trente mille d’entre eux sont morts, 30 000 sont reve­nus bles­sés de guerre ou inva­lides et 10 000 ont été portés dispa­rus. Le sort que notre répu­blique leur a réservé après la guerre n’est pas digne. Nous avons voulu oublier qu’ils ont été des victimes de l’his­toire natio­nale, oublier qu’ils n’avaient pas le choix ; oublier leur héroïsme – ils ont été nombreux à rece­voir la médaille de la Résis­tance inté­rieure ; oublier les drames que cela a entraî­nés dans chaque famille, et je pense avec émotion à leurs veuves et à leurs orphe­lins.
Dans quelques jours, nous commé­mo­re­rons le 11 Novembre et célé­bre­rons le 80e anni­ver­saire de la libé­ra­tion de l’Al­sace. Aurons-nous enfin le courage de recon­naître que l’in­cor­po­ra­tion de force est un crime ? Elle l’est, car l’Al­sace et la Moselle ont été annexées de fait, non de droit. Le Gouver­ne­ment accep­tera-t-il enfin d’en­sei­gner cette histoire de manière perma­nente dans les manuels scolaires de notre pays ? 

M. Pierre Cordier Surtout que la seconde guerre mondiale est déjà presque effa­cée dans les mémoires ! 

Mme Louise Morel L’his­toire de l’Al­sace et de la Moselle, ce n’est pas de l’his­toire locale, c’est la grande histoire de la France ! Enfin, quelles actions concrètes comp­tez-vous mener pour indem­ni­ser les orphe­lins de cette tragé­die ? Les témoins coura­geux de cette histoire sont de moins en moins nombreux. Près de quatre-vingts ans après la fin de la guerre, ils méritent des réponses claires. (Applau­dis­se­ments sur de nombreux bancs de tous les groupes.)

Mme la prési­dente La parole est à M. le ministre délé­gué auprès du ministre des armées et des anciens combat­tants. 

M. Jean-Louis Thié­riot, ministre délé­gué auprès du ministre des armées et des anciens combat­tantsJe vous remer­cie d’avoir évoqué ce sujet, qui est une plaie doulou­reuse dans notre histoire natio­nale. Nous savons quel enfer ce fut pour les Alsa­ciens et les Mosel­lans, incor­po­rés de force dans la Wehr­macht, d’avoir été obli­gés, sans avoir le choix, de porter les armes de l’Al­le­magne contre leur pays et contre leur patrie.
Évidem­ment, c’est une tragé­die abso­lue. Notre pays – la « France de l’in­té­rieur » comme on dit en Alsace – en est conscient. En termes symbo­liques, des efforts sont faits. L’État soutient ainsi le projet de construc­tion à Schir­meck d’un mur portant les noms des dispa­rus et des morts. Il faut des répa­ra­tions symbo­liques, mémo­rielles. Je ne peux être que favo­rable à ce que cette histoire, qui fait partie de l’his­toire de la seconde guerre mondiale, soit ensei­gnée dans les manuels. Pour ce qui est de l’in­dem­ni­sa­tion, on a évidem­ment envie d’ap­por­ter un soula­ge­ment à ces personnes. Cepen­dant, un traité a déjà été signé avec l’Al­le­magne à ce sujet, en 1981. L’in­cor­po­ra­tion a été recon­nue comme une faute alle­mande : la France n’est pas respon­sable de ce qui est arrivé aux « malgré-nous ».  S’agis­sant des orphe­lins, les enfants des 110 000 soldats tombés pendant la campagne de France n’ont jamais été indem­ni­sés. Je ne vois pas comment je pour­rais justi­fier que l’on indem­nise unique­ment les orphe­lins des incor­po­rés de force. On ne peut pas répa­rer une injus­tice de l’his­toire par une autre injus­tice.

(Applau­dis­se­ments sur quelques bancs du groupe DR.)

 


Docu­ment trans­mis par Serge AMORICH, délé­gué natio­nal de l’As­so­cia­tion des anciens incor­po­rés de force dans le RAD–KHD d’Al­sace et de Moselle, qui précise que la discus­sion au Sénat des crédits de la Mission Anciens combat­tants, mémoire et liens avec la Nation aura lieu le samedi 7 décembre 2024 et non le vendredi 6 décembre 2024.

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