INDEMNISATION DES INCORPORÉS DE FORCE EN ALSACE
Mme la présidente. La parole est à Mme Louise Morel.
Mme Louise Morel. Monsieur le ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants, ce n’est pas sans émotion que je prends la parole, tant le sujet que je souhaite évoquer parle au cœur de chaque famille d’Alsace et de Moselle. Depuis des décennies, les interpellations se succèdent sur la considération que la France a témoignée aux incorporés de force des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, mais les réponses n’ont pas apporté l’apaisement. Pour celles et ceux qui l’ignorent encore, les incorporés de force, ce sont 130 000 hommes qui ont été contraints de revêtir l’uniforme allemand pendant la seconde guerre mondiale et de se battre contre leur patrie. Trente mille d’entre eux sont morts, 30 000 sont revenus blessés de guerre ou invalides et 10 000 ont été portés disparus. Le sort que notre république leur a réservé après la guerre n’est pas digne. Nous avons voulu oublier qu’ils ont été des victimes de l’histoire nationale, oublier qu’ils n’avaient pas le choix ; oublier leur héroïsme – ils ont été nombreux à recevoir la médaille de la Résistance intérieure ; oublier les drames que cela a entraînés dans chaque famille, et je pense avec émotion à leurs veuves et à leurs orphelins.
Dans quelques jours, nous commémorerons le 11 Novembre et célébrerons le 80e anniversaire de la libération de l’Alsace. Aurons-nous enfin le courage de reconnaître que l’incorporation de force est un crime ? Elle l’est, car l’Alsace et la Moselle ont été annexées de fait, non de droit. Le Gouvernement acceptera-t-il enfin d’enseigner cette histoire de manière permanente dans les manuels scolaires de notre pays ?
M. Pierre Cordier Surtout que la seconde guerre mondiale est déjà presque effacée dans les mémoires !
Mme Louise Morel L’histoire de l’Alsace et de la Moselle, ce n’est pas de l’histoire locale, c’est la grande histoire de la France ! Enfin, quelles actions concrètes comptez-vous mener pour indemniser les orphelins de cette tragédie ? Les témoins courageux de cette histoire sont de moins en moins nombreux. Près de quatre-vingts ans après la fin de la guerre, ils méritent des réponses claires. (Applaudissements sur de nombreux bancs de tous les groupes.)
Mme la présidente La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants.
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants. Je vous remercie d’avoir évoqué ce sujet, qui est une plaie douloureuse dans notre histoire nationale. Nous savons quel enfer ce fut pour les Alsaciens et les Mosellans, incorporés de force dans la Wehrmacht, d’avoir été obligés, sans avoir le choix, de porter les armes de l’Allemagne contre leur pays et contre leur patrie.
Évidemment, c’est une tragédie absolue. Notre pays – la « France de l’intérieur » comme on dit en Alsace – en est conscient. En termes symboliques, des efforts sont faits. L’État soutient ainsi le projet de construction à Schirmeck d’un mur portant les noms des disparus et des morts. Il faut des réparations symboliques, mémorielles. Je ne peux être que favorable à ce que cette histoire, qui fait partie de l’histoire de la seconde guerre mondiale, soit enseignée dans les manuels. Pour ce qui est de l’indemnisation, on a évidemment envie d’apporter un soulagement à ces personnes. Cependant, un traité a déjà été signé avec l’Allemagne à ce sujet, en 1981. L’incorporation a été reconnue comme une faute allemande : la France n’est pas responsable de ce qui est arrivé aux « malgré-nous ». S’agissant des orphelins, les enfants des 110 000 soldats tombés pendant la campagne de France n’ont jamais été indemnisés. Je ne vois pas comment je pourrais justifier que l’on indemnise uniquement les orphelins des incorporés de force. On ne peut pas réparer une injustice de l’histoire par une autre injustice.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Document transmis par Serge AMORICH, délégué national de l’Association des anciens incorporés de force dans le RAD–KHD d’Alsace et de Moselle, qui précise que la discussion au Sénat des crédits de la Mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation aura lieu le samedi 7 décembre 2024 et non le vendredi 6 décembre 2024.