La forteresse de Torgau, près de Leipzig, est notamment devenu le siège du Reichskriegsgericht à partir d’août 1943. Y sont déférés les défaitistes, les insoumis, les réfractaires et les déserteurs de l’Armée allemande. Parmi eux figurent, bien entendu, des incorporés de force – ex « déportés militaires » (voir p. 270) – alsaciens et mosellans. Face à leurs juges, ces derniers sont traités comme les autres détenus : n’étaient-ils pas considérés (illégalement) par les nazis comme des Allemands ? Il s’agit, pour la justice nationale-socialiste, de faire des exemples pour dissuader d’autres soldats de se rebeller : les peines vont de la mutation dans un bataillon disciplinaire, la déportation en camp de concentration, jusqu’à la peine de mort (le peloton, la guillotine et, le plus déshonorant pour un militaire, la corde).
C’est donc un aspect peu connu de l’histoire commune de la France et de l’Allemagne que Frédéric Stroh nous dévoile avec brio. Il dresse notamment le portrait de « Malgré-Nous », en revenant sur leurs conditions de détention et en montrant qu’il n’était pas évident de s’opposer à son incorporation, de refuser de servir dans l’armée de l’ennemi : « ceux qui se sont pliés aux lois alors en vigueur ne sont absolument pas à dénigrer, car si tout homme aspire à la liberté, à l’héroïsme nul n’est tenu ».
Nicolas Mengus