Un geste de provocation a été perpétré dans l’église d’Oradour-sur-Glane au mépris de la mort atroce qu’y ont connu des femmes et des enfants lors du massacre du 10 juin 1944. Force est de constater que les lieux de Mémoire, invitant au respect et à la méditation, sont souvent la cible d’actes de vandalisme ou de provocations issus tout autant de la méchanceté que de la bêtise de l’Homme. Triste et lamentable.
Deux hommes ont réalisé le geste popularisé par le polémiste Dieudonné en plein cœur du village martyr. Un cliché volontairement choquant qui a déclenché une enquête de gendarmerie.
Sur la photo, deux hommes d’une trentaine d’années se tiennent debout au milieu de l’église d’Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne). L’un d’eux semble sourire et effectue, avec son compagnon, une quenelle.
Ce geste popularisé par Dieudonné consistant à tendre un bras vers le sol et replier l’autre, main sur l’épaule, a été publié sur son site, au milieu de centaines d’autres photos.
C’est un habitant du nord de la France, combattant infatigable du révisionnisme qui a alerté les gendarmes.
« La démarche est choquante »
Une enquête a été ouverte par la justice limougeaude et confiée à la brigade de recherches de Saint-Junien pour identifier les deux personnes présentes sur la photo ainsi que l’auteur du cliché. Ils pourraient être poursuivis, ce geste que certains qualifient “d’antisystème” étant effectué dans un lieu hautement symbolique et prenant alors une toute autre signification.
C’est dans cette église que le président Hollande et son homologue allemand ont commémoré le massacre en septembre dernier et célébré l’amitié franco-allemande, tenant chacun par la main le rescapé du massacre Robert Hébras. Dans cette église, surtout qu’ont été brûlés vifs femmes et enfants le 10 juin 1944.
« Je n’ai pas vu cette photo, j’ai simplement été alerté par la gendarmerie. La démarche est évidemment choquante », reconnaît Raymond Frugier, le maire d’Oradour « mais nous ne savons pas encore si nous portons plainte. Comprenez-moi. Cela reviendrait à faire de la publicité à des gens qui ne le méritent pas. Ils ne cherchent que ça. Moins on en parle, mieux ça vaudra ».
SOS racisme et Licra pourrait poursuivre
Si pour l’heure, aucune plainte n’a été déposée, la Licra et SOS racisme ne devraient pas tarder à faire connaître leurs intentions de poursuivre.
Début janvier, les deux associations antiracistes avaient annoncé par l’intermédiaire de leur avocat que les quenelles effectuées dans des lieux où elles « ne laissent pas de doute » sur leur caractère antisémite, seraient poursuivies.
« Nous poursuivrons la diffusion des images de quenelle et leurs auteurs dès lors que le contexte ne laisse pas de doute sur le message et l’injure à l’encontre de la communauté juive », avait assuré l’un des avocats, Me Patrick Klugman.
Certains voient en ce signe un salut nazi inversé, ce que réfute Dieudonné. Difficile pourtant, de croire qu’il s’agit de gestes seulement « antisystème » quand ils sont réalisés dans des lieux au lourd passé historique, comme ce fut le cas récemment devant le mémorial de la Shoah ou encore devant un wagon ayant servi au transport de Juifs dans les camps nazis.
Difficile de croire à un geste simplement antisystème aussi, quand on sait que l’un des soutiens de Dieudonné n’est autre que Vincent Reynouard, cet ancien prof révoqué de l’éducation nationale qui passe son temps à remettre en cause la tragédie d’Oradour-sur-Glane.
Un négationniste déjà condamné pénalement qui, lui aussi s’est fait photographier devant le palais de justice de Paris en réalisant… une quenelle.
Franck Lagier