Un mur commé­more les « malgré-nous » français, incor­po­rés de force dans la Wehr­macht – Article AFP paru sur le site « The Times of Israel » (28.8.2022)

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La pers­pec­tive de voir sur un même monu­ment les noms de victimes civiles dont des juifs dépor­tés et de « malgré-nous », parmi lesquels certains ont pu parti­ci­per à des crimes de guerre, avait suscité une vive polé­mique mémo­rielle.

« Ça m’a pris quatre ans de travail  »: entouré de lourds clas­seurs, Claude Herold, un histo­rien amateur, désigne les noms et visages de 12 000 « malgré-nous » portés dispa­rus, dont le doulou­reux souve­nir ressur­git 80 ans jour pour jour après l’in­cor­po­ra­tion de force d’une géné­ra­tion d’Al­sa­ciens-Mosel­lans dans les troupes d’Hit­ler.

Le retraité haut-rhinois de 66 ans a iden­ti­fié dans les 198 volumes et 56 000 pages de registres de dispa­rus consti­tués après-guerre par la Croix-Rouge alle­mande les portraits en noir et blanc de tous ceux portant la mention « E ». Un « E » pour Elsaß-Lothrin­gen, l’Al­sace-Lorraine en alle­mand.

« Le nombre réel de dispa­rus tourne plutôt autour de 10 000 », précise-t-il, la sépul­ture de certains ayant été loca­li­sée après coup et quelques-uns ayant fina­le­ment été retrou­vés.

« On voit qu’ils font la gueule  », reprend M. Herold, en montrant les visages figés de ces jeunes hommes nés entre 1908 et 1928, dont les regards fixent l’objec­tif après avoir été contraints de revê­tir l’uni­forme de la Wehr­macht ou d’in­té­grer, pour certains, la Waffen SS.

Le 25 août 1942, une ordon­nance imposa aux Alsa­ciens (le 29 août pour les Mosel­lans) de combattre pour l’Al­le­magne, envoyant souvent ces hommes sur le front russe, le plus meur­trier.

Avant le 80e anni­ver­saire de ce « viol des consciences », quatre asso­cia­tions de « malgré-nous » et leurs descen­dants ont fait impri­mer sur une bande­role de 36 mètres de long les visages des dispa­rus recen­sés par M. Herold et l’ont briè­ve­ment expo­sée à la mi-août à Turck­heim, près de Colmar.

L’ini­tia­tive, relayée par le quoti­dien régio­nal les Dernières Nouvelles d’Al­sace, a suscité un vif inté­rêt. « J’ai reçu plus de 150 mails et appels, beau­coup de familles veulent voir la bande­role et en savoir plus sur un père, un cousin  », affirme le retraité dont trois oncles sont morts sous l’uni­forme alle­mand.

A Ober­nai, face au Mont Sainte-Odile, sainte patronne de l’Al­sace, une partie de la bande­role a été déployée en ce 25 août, au cours d’une commé­mo­ra­tion orga­ni­sée par l’As­so­cia­tion des évadés et incor­po­rés de force (ADEIF), qui finança elle même dans les années 50 la grande croix blanche tour­née vers l’est qui domine la ville.

Roger Keck, 78 ans, se penche sur la bande­role pour photo­gra­phier le visage de son oncle, Alphonse Harthei­ser, qui s’était amputé d’un doigt pour tenter d’échap­per à l’in­cor­po­ra­tion à la fin 1944. « Sa famille n’a plus eu de nouvelles du jour au lende­main, on suppose qu’il a été fusillé, sans juge­ment, et que les Alle­mands ne s’en sont pas vantés  ».

« C’était des gamins, certains n’avaient que 16–17 ans », s’émeut Gérard Michel, président de l’as­so­cia­tion des Orphe­lins de pères malgré-nous d’Al­sace-Moselle (OPMNAM), dont le propre père a péri en Pologne.

« C’est le mur des noms que l’on a toujours souhaité, en plus il est mobile  », savoure-t-il dans une allu­sion à un projet avorté en 2017 de la région Grand Est visant à hono­rer la mémoire des 52 000 Alsa­ciens et Mosel­lans morts au cours de la Seconde Guerre mondiale.

La pers­pec­tive de voir se succé­der par ordre alpha­bé­tique et sur le même monu­ment les noms de victimes civiles dont des juifs dépor­tés et de « malgré-nous », parmi lesquels certains ont pu parti­ci­per à des crimes de guerre, avait suscité une vive polé­mique mémo­rielle.

Si aucun repré­sen­tant de l’État n’a fait le dépla­ce­ment à Ober­nai jeudi, le président de la Collec­ti­vité euro­péenne d’Al­sace (CEA) qui réunit depuis 2021 les conseils dépar­te­men­taux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, avait appelé début août à hono­rer le souve­nir du « destin tragique de ces Alsa­ciens qui se sont sacri­fiés par amour de leur famille ».

« C’est une mémoire régio­nale qui malheu­reu­se­ment n’est pas parta­gée par la mémoire natio­nale, et donc elle inter­roge ‘comment n’ont-ils pas pu se sauver ? Déso­béir ?’ Sans se rendre compte de la terreur qui régnait en Alsace », analyse le profes­seur de droit Jean-Laurent Vonau, auteur de l’Al­sace annexée, 1940–1945 (éditions du Signe).

Sans nier l’exis­tence d’en­vi­ron 2 100 volon­taires qui servirent de leur plein gré le régime nazi avant l’in­cor­po­ra­tion de forces, il estime que « l’af­faire est réglée pour la France  » depuis que Nico­las Sarkozy a affirmé en 2010 que « les malgré-nous ne furent pas des traîtres  ».

« Il faudrait que les gens connaissent mieux ce qu’ont vécu les provinces de l’est », s’agace Aloyse Kief­fer, 94 ans aujourd’­hui, mobi­lisé quand il en avait 15. Même si ce prêtre à la retraite, qui finira la guerre prison­nier en Yougo­sla­vie, admet que pour lui même le tabou n’a sauté que bien long­temps après la guerre : « je n’ai jamais raconté à mes parents ce qui m’était arrivé, on le taisait. Il n’était alors pas bon de se rappe­ler tout ça  ».

 

Article trans­mis par Claude Herold.

Lien vers l’ar­ticle : https://fr.time­so­fis­rael.com/un-mur-comme­more-les-malgre-nous-fran­cais-incor­pores-de-force-dans-la-wehr­macht/

Sur le travail de Claude Herold, voir égale­ment un enre­gis­tre­ment vidéo jamais monté et jamais diffusé :

https://www.gettyi­mages.fr/detail/vidéo/claude-hérold-a-reti­ree-and-amateur-histo­rian-is-film-dactua­lité/1418990897

 

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