WEYLAND Victor

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 Je fais des recherches sur le parcours d’in­cor­poré de force de mon grand-père Victor Weyland (1924–2002).

 

Il est né le 5 avril 1924 à Kerbach (Moselle) de parents agri­cul­teurs et auber­gistes et a résidé dans ce même village avant d’être appelé. 
D’après ce que je sais par ma grand-mère, ses 2 frères ainés, Pierre (1919–1944) et Joseph (1921–2013), ont été obli­gés de rejoindre le RAD (Reich­sar­beits­dienst) dès l’an­nexion de la Moselle à l’Al­le­magne (comme beau­coup de jeunes de cet époque). Ayant refusé d’y aller, ils ont réussi à fuir en Charente ; d’abord Pierre, l’aîné, qui a d’ailleurs été tué dans le maquis peu de temps avant la libé­ra­tion (une rue porte son nom à Cognac), puis Joseph (voir témoi­gnage ci-après).
Plaque à Cognac au nom de Juan Luzano et de Pierre Weyland, morts pour la France le 30.8.1944, lors d’une embus­cade tendue par les Alle­mands.
La Gestapo, ayant été aver­tie de la déser­tion n’a pas laissé le choix à mes arrières-grands-parents, le petit dernier de 17 ans (mon grand-père) a été contrait d’ac­com­pa­gner les poli­ciers ou toute la famille serait fusillée. Comme il était parfai­te­ment bilingue français/alle­mand il a vite réussi à inté­grer un poste ne deman­dant pas le combat direct. Il a donc été envoyé en Norvège dans les télé­trans­mis­sions – lors son voyage vers Narvik, leur navire a été attaqué par la RAF – et, par la suite, a été fait prison­nier de guerre. Il est ensuite revenu.
Pierre Weyland lors de son mariage.
Voilà de ce que je sais, j’at­tends sa fiche WAST.
En vous remer­ciant pour toute aide ou rensei­gne­ment complé­men­taire.
Fabian CLOSSET 

 

 

RECIT DE L’EVASION  de  Joseph WEYLAND, né le 28 octo­bre1921, à  KERBACH (Moselle).

L’Ar­mée alle­mande, après quatre ans de guerre, a estimé ses effec­tifs insuf­fi­sants pour se battre simul­ta­né­ment sur deux fronts, à l’Est et à l’Ouest.

Les Alle­mands  ont décidé de mobi­li­ser dix classes en Alsace et en Moselle, de 1914 à 1924.

Né en 1921, j’étais donc touché par cette déci­sion d’in­cor­po­ra­tion et j’ai reçu un ordre d’ap­pel à la fin du mois de septembre 1943 pour me présen­ter à Sarre­gue­mines.

Avec, Rémy Meyer,  un ami du village voisin qui se trou­vait dans la même situa­tion que moi, nous avons décidé de nous évader deux jours avant la date de notre convo­ca­tion. 

J’avais un cousin , Philippe, fermier qui habi­tait à Foulgres, à la fron­tière de la Meurthe et Moselle.

Avec Rémy, nous sommes allés chez lui quelques jours afin de prépa­rer notre évasion. Philippe suivait les relèves des doua­niers alle­mands et se rensei­gnait pour trou­ver la possi­bi­lité de nous faire passer la fron­tière. Il simu­lait une sortie avec son chariot pour se rendre dans ses champs;

nous étions allon­gés dans le chariot et recou­verts de serpillères avec une planche de chaque coté.

Arri­vés à la fron­tière, il nous a indiqué la route à suivre. Le clocher de Bannon­court, qui était en vue, nous servait de repère.

Pendant le trajet nous avons aperçu deux gendarmes français qui circu­laient à vélo; n’ayant aucun papier d’iden­tité, nous nous sommes cachés derrière une haie qui bordait la route.

Plus loin, nous avons rencon­tré un culti­va­teur qui rentrait des champs; nous lui avons demandé s’il voulait bien nous emme­ner jusqu’à Bannon­court.  Arri­vés dans le village que nous décou­vrions pour la première fois, il nous a déposé devant la maison de Paul Flaus, un cousin de ma mère.

Le père de Paul s’était aussi évadé en 1870 de Kerbach afin de ne pas se faire enro­ler dans l’ar­mée alle­mande.

Le cousin très inquiet de voir débarquer deux réfrac­taires chez lui, nous a fait coucher par précau­tion dans un hangar près de sa maison.

Le lende­main matin, il nous a accom­pa­gné à pieds à Arra­court où nous avons pris un bus pour Nancy. Nous devions nous rendre chez son ami, monsieur Paul Michel, ingé­nieur des Eaux et Forêts; il super­vi­sait le chan­tier fores­tier de Bezange-la Petite qui se situait à cheval sur la fron­tière.

Pendant le trajet  Arra­court-Nancy, notre bus a été arrêté par deux Feld­gen­darm (gendarmes alle­mands); nous avons eu très peur; je me souviens des paroles adres­sées au chauf­feur « alles in Ordum ». Le béret que j’avais sur la tête s’est soulevé de peur et Ouf! le car est reparti; nous avons échappé de justesse à un contrôle.

Arri­vés à Nancy, nous nous sommes rendus au 35 de la rue Stanis­las, chez Mr Paul Michel qui nous a placé dans le chan­tier fores­tier jusqu’à Noel 1943. Mr Michel nous a établi des faux papiers avec carte d’ali­men­ta­tion. Mon nom était désor­mais Souara Lucien et, celui de Rémy, Pier­son René.

Nous faisions des stères de bois dans la forêt doma­niale; nous mangions sur place; les collègues étaient tous des réfrac­taires, soit des STO (service obli­ga­toire du travail), ou comme nous, des insou­mis de l’ar­mée.

La nour­ri­ture était accep­table mais ce qui nous manquait le plus était le pain rationné à 200 gr.

Heureu­se­ment que nous avons pu nous procu­rer du lait chez les culti­va­teurs. Le travail était faisable, mais nous avons énor­mé­ment souf­fert de gerçures aux mains à cause du froid.

Le chan­tier fores­tier était très surveillé par la Gestapo et le chef avait souvent des visites pour lui deman­der s’il n’y avait pas de réfrac­taires parmi les effec­tifs. Un jour, il nous a convoqués et nous a invi­tés  à quit­ter le chan­tier par précau­tion.

Mr Paul Michel a été arrêté par la Gestapo et déporté à Dachau d’où il est revenu , comme un sque­lette, en 1945.

Anciens réfu­giés de la Moselle en Charente où nous avons tous les deux des attaches, lui un cousin qui avait une ferme et moi un frère dont les beaux parents avaient égale­ment une ferme. Nous sommes partis,  la veille de Noël 1943, de Nancy à desti­na­tion de Cognac, munis de nouveaux faux papiers en règle avec un congé pour les fêtes. Durant le trajet, nous avons vu des poli­ciers alle­mands, mais nous n’avons pas été contrô­lés. Après notre arri­vée à Cognac, nous avons rejoint les fermes respec­tives où nous avons mené une vie de réfrac­taires durant l’oc­cu­pa­tion jusqu’au 30 septembre 1944.

Mon frère était dans le maquis de Saint André; il a été mortel­le­ment bléssé à la libé­ra­tion de Cognac. Quant à mon ami Rémy, il est entré à l’Ecole Inte­rarmes de Coëtqui­dan et en est sorti avec le grade de Sous Lieu­te­ment; volon­taire pour servir en Indo­chine, il a été tué en 1952 à Tonqué au Laos.

Moi, je suis entré dans l’Ar­mée de l’Air où j’ai fait carrière; j’ai quitté l’ar­mée pour prendre ma retraite en 1969 avec le grade d’adju­dant chef.

Nous avons retrouvé notre Patrie qui nous a tant manqué et que nous avons choisi de servir.

J’ai pu retrou­ver ma famille en 1945 après la libé­ra­tion.

 

 PS:

Je suis titu­laire de :

-la médaille des évadés de guerre

-la médaille mili­taire

-l’Ordre Natio­nal du mérite

-la médaille des combat­tants volon­taires

-la médaille des combat­tants

-la médaille du volon­ta­riat

-la médaille d’en­gagé volon­taire

-la médaille  recon­nais­sance de la Nation avec agraffes Maroc-Algé­rie

 

J’ai été adhé­rent à l’Union Natio­nale des Evadés de Guerre de la Charente de 1968 jusqu’à sa disso­lu­tion en novembre 2005.

 

Docu­ment  réalisé par Joseph WEYLAND en décembre 2005 et trans­mis au  Musée de la Résis­tance  à ANGOULEME.

 

Article paru dans « Sud-Ouest » :

 

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