Pour la deuxième fois, l’ADEIF du Bas-Rhin représentant les incorporés de force ainsi que l’OPMNAM (Orphelins de Père Malgré-nous d’Alsace-Moselle) ont tenu un séminaire à Strasbourg au FEC sur le thème : comment légalement réparer l’iniquité faite aux Français d’Alsace et de Moselle incorporés de force dans l’armée allemande et à leurs proches ?
Une salle remplie et attentive et des organisateurs, contents d’être rejoints par des associations comme les « Fils des tués » du Bas-Rhin, la FNAPOG-Moselle (fédération nationale autonome des pupilles et orphelins de guerre et l’APOGA, association des pupilles de la nation orphelins de guerre d’Alsace. Le temps passe mais les cicatrices sont toujours à vif. Un monsieur demande avec émotion, image pieuse nécrologique en mains, qui peut lui donner des informations sur son oncle, Joseph A., châtié pour avoir refusé d’endosser l’uniforme allemand et décédé en mars 1943 (mais où exactement?) dans son transfert vers un camp…mais lequel? Ce qui est sûr, c’est que le père de Joseph est mort à 68 ans au camp de Natzweiler-Struthof et la mère à 55 ans, en janvier 1945 au camp de Ravensbrück. Roland Schmitthaeusler, orphelin d’incorporé de force, cita les monstrueuses pertes humaines entraînées par l’incorporation de force de 130 000 Alsaciens-Mosellans, suite aux morts et disparus (autour de 35 000) mais aussi aux familles que ces hommes dans la force de l’âge, n’ont jamais fondées, avec des enfants jamais nés, une forme de génocide, un « crime contre l’humanité ». Que faire donc aujourd’hui de ces souffrances exacerbées par le « déficit de connaissances » et donc de reconnaissance en France, ce qu’ont constaté tous les intervenants ?
Procès en janvier
L’ADEIF et l’OPMNAM mènent depuis des années un combat juridique sur plusieurs fronts. Il y a le procès avec le réalisateur d’un film-documentaire sur le division Das Reich dont les chiffres du nombre d’Alsaciens dans les Waffen SS sont loin de la vérité : nouvelle audience en janvier.
Il y a aussi les démarches en cours avec l’avocat allemand Andreas Scheulen qui s’est déjà appuyé sur une loi de 1997 afin d’indemniser des victimes du IIIe Reich jusqu’ici non prises en compte. Ce qui pourrait être le cas des incorporés de force sous lesquels pesait la contrainte de la Sippenhaft (loi de la responsabilité de la parenté) et le poids de la répression, avec les exécutions dans les prisons militaires de 500 d’entre eux.
Malgré ceci après 1945, les incorporés de force se virent refuser (de la part de la France) le statut de déportés militaires avec ses conséquences pécuniaires notamment pour les veuves et les orphelins. « Notre indemnisation doit venir de la RFA » affirme Gérard Michel, président de l’OPMNAM. Qui a reçu cet été une réponse de l’ONAC confirmant bien qu’ il « n’existe pas de dispositif permettant une indemnisation spécifique des orphelins d’incorporés de force ». Cela facilitera t-il l’accès aux dispositifs allemands de réparation ?
Le public a regretté l’absence au séminaire de l’ancien ministre Daniel Hoeffel qui y avait été invité afin « d’être un médiateur entre le Limousin et l’Alsace », les associations ayant aussi engagé un procès en réaction aux écrits d’un survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane. Par contre sur le Mur des Noms, véritable serpent de mer, Alphonse Troestler, ancien délégué à la mémoire de l’Alsace, pense que « c’était une idée généreuse d’y mettre les noms de toutes les victimes alsaciennes et mosellanes toutes catégories confondues. Mais finalement c’est une fausse bonne idée », estime t-il aujourd’hui, « car toutes les catégories de victimes n’ont à ce jour pas été entièrement recensées. Il faut donner la priorité à la recherche historique, comme ce travail sur les Waffen SS incorporés de force qui sortira bientôt ».
Que la recherche historique concernant le sort spécifique de l’Alsace-Moselle annexée de fait ait été négligée par les chercheurs est une évidence. Ainsi une stèle a fini par être inaugurée récemment à La Broque sur le site de l’ancien camp (« Sicherungslager Vorbrück-Schirmeck ») où plus de 15 000 détenus, majoritairement des Alsaciens-Mosellans opposés à l’annexion de fait et à l’incorporation de force, furent humiliés, brutalisés et où plus de 100 laissèrent leur vie, d’autres mourant une fois « libérés ». Comme Marthe Haller, mention « Mort pour la France » qualité de sergent, membre d’une filière d’évasion, arrêtée à Brunstatt, internée à Schirmeck en février 1944 et décédée à 20 ans en mars de la même année à l’hôpital de Mulhouse des suites des mauvais traitements. Combien de temps faudra-t-il, 75 ans après l’évacuation de ce camp en Allemagne, encore attendre pour qu’il y ait une étude universitaire?
Marie Goerg Lieby
Article des DNA de Colmar du 21.11.19 transmis par Claude Herold.
COMPTE RENDU DU SEMINAIRE AU FEC du 16 nov 2019
NON IL NE FAUT PAS REFERMER LE LIVRE DE L’INCORPORATION DE FORCE
NOS PERES NOUS LE PARDONNERAIENT JAMAIS
Il faut se rendre compte que l’Allemagne Nazie avait plus d’un objectif en forçant les Alsaciens et les Mosellans à revêtir l’uniforme de la Wehrmacht. D’une part le recrutement illégal leur permettait d’étoffer les unités combattantes dont certaines avaient déjà perdu plus de 50% des effectifs en 1942. D’autre part la mise au pas par le « Drill » permettait aux nazis de casser toutes velléités et toutes résistances chez de jeunes garçons. De surcroît les incorporations massives se faisaient dans les classes des jeunes gens de 18 à 23 ans, avec une majorité de célibataires susceptibles de former une résistance organisée et téméraire. Pour limiter les désertions ils furent majoritairement envoyés sur le « Front de l’Est » là où les Allemands de souche étaient envoyés en punition. L’incorporation forcée des gens de l’Est de la France n’est pas due au hasard, c’est une action mûrement réfléchie, FONDAMENTALEMENT ILLEGALE mais largement débattue dans les plus hautes instances Nazies. Une constatation s’impose les Alsaciens et les Mosellans ont servi de pions disposés sur les lignes de front les plus exposées, ILS SONT MORTS EN LIEU ET PLACE DES ALLEMANDS DE SOUCHE.
L’exposé de notre ami Eric SANDER eût le mérite de clarifier les choses en affirmant l’illégalité des actes de clôture des conflits mondiaux, l’absence de traités de paix est qualifiée de FICTION JURIDIQUE. Seuls les accords commerciaux permettaient une relance des circulations de marchandises et de minerais. L’Allemagne elle-même en la personne du Auswärtiges Amt a qualifié l’incorporation de force de UNRECHT WIDRIG, un acte illégal.
QUI DOIT ASSUMER LES CONSEQUENCES DE L’INCORPORATION DE FORCE
Ala fin de la seconde guerre mondiale une série d’ordonnances furent édictées pour créer des secours urgents aux plus démunis et aux personnes en détresse absolue. C’est ainsi que l’Ordonnance du xxx aout 1945 stipule que les Incorporés de Force Alsaciens et Mosellans peuvent prétendre aux mêmes secours que les anciens combattants (français de l’intérieur).
Un tour de force qui a permis de DISSIMULER LE DRAME VECU PAR LES ALSACIENS ET LES MOSELLANS. En intégrant les incorporés de force dans l’armée allemande dans le dispositif français, le ministère leur refusait le statut de VICTIMES DEPORTEES MILITAIRES. Or la responsabilité incombait entièrement à l’Allemagne Nazie. Par cette turpitude nos pères et leurs camarades furent spoliés de leurs droits et des indemnités versées aux victimes en Allemagne par les services allemands.
En 1950 furent créés les dispositifs allemands se secours :
1 – LE BUNDESENTSCHÄDIGUNGSGESETZ – Loi d’indemnisation des victimes de la guerre 1939 – 1945
2 – LE BUNDESFUHRSORGUEGESETZ – Loi d’assistance aux victimes de la guerre 1939 – 1945
Ces dispositifs qui indemnisent encore aujourd’hui certaines victimes allemandes, mais aussi belges italiennes, françaises, etc, en raison des « services rendus » à l’Allemagne devraient légalement nous concerner. Or les services allemands nous opposent l’ordonnance de 1945 qui aurait dû nous indemniser en tant qu’orphelins ?
Notre surprise fut grande en apprenant que nous aurions dû bénéficier d’un secours français par les ONAC ! Sachant que tous nos camarades savent de quelle misère leur jeunesse fut témoin et qu’aucune indemnité ni pension ne leur fut jamais versée par les ONAC, nous avons écrit le xx juillet 2019 au Ministère des Anciens Combattants pour clarifier cette situation ubuesque. Le xx novembre la réponse de la Secrétaire d’Etat fut précise et claire : « aucune disposition en faveur des orphelins des incorporés de force ne fut prévue ».
Voilà où nous en sommes à l’heure actuelle, notre avocat Maître Scheulen s’est empressé de redéposer nos doléances aux services concernés, attendons la réponse après examen de notre requête.
Maître Scheulen dans son exposé en allemand nous a expliquer comment fonctionnent les mécanismes des différentes indemnisations prévues par les lois votées dans les années 50, il est regrettable qu’ici en Alsace Moselle elles ne furent jamais appliquées. Très sommairement il a détaillé deux dispositifs soit l’indemnisation versée aux veuves et aux orphelins pour la perte du père, une allocation unique et la pension allouée aux veuves et aux orphelins, avec toutefois une précision pour les orphelins, versée jusqu’à la 18e année et jusqu’à la 27e année pour les étudiants.
Un deuxième écueil nous attend, sachant que le récipiendaire doit posséder la nationalité allemande où habiter sur le territoire allemand. Notre argumentation pour revendiquer le bénéfice de plein droit s’articule sur la constatation suivante : Sachant que seuls les individus de SANG ALLEMAND, ou les VOLKSDEUTCHE étaient éligibles pour être intégrés dans la Wehrmacht, Himmler et Wagner ont convenu que la nationalité Allemande était attribuée de plein droit aux Alsaciens Mosellans le jour où ils ont revêtu l’uniforme « Feldgrau ».
Nous posons la question suivante : Nos pères qui ne sont pas rentrés en France, qui sont morts sous uniforme allemand, qui sont enterrés quelque part dans des fosses communes, sont-ils morts de nationalité Allemande où Française ? Qui peut avancer que leur mort devrait effacer cette qualification d’éligibilité à un secours destiné aux victimes de cette guerre doublées d’un crime contre l’humanité ?
Si l’Allemagne a le soin de verser des secours à ses affidés de la LVF, de la Légion Azul, de la Légion Condor, où toutes autres formations de volontaires étrangers « elle se doit d’indemniser au minimum à égalité les victimes de l’incorporation de force, dont nous sommes les tristes héritiers ». On ne peut pas ériger une règle un jour et la défaire le lendemain, QUE L’ALLEMAGNE ASSUME SES TURPITUDES !
L’assemblée s’est interrogée sur les qualifications des bénéficiaires des décrets 2000 et 2004, il faut préciser que le Ministère nous oppose la notion d’EXTREME BARBARIE NAZIE dont nous serions exclus on ne sait pour quels critères ? En effet cette argumentation nous a régulièrement choquée, mais en réfléchissant un peu plus en avant on est obligé de comprendre le désarroi des services ministériels pour qualifier les crimes contre l’humanité commis par le gouvernement français de Vichy. Les services de police et de gendarmerie, la Milice française, aux ordres de René BOUSQUET, Darquier de Pellepoix, Maurice PAPON, LAVAL et PETAIN ont organisé et procédé aux rafles des juifs étrangers à Paris et dans toute la France, il s’agit d’un CRIME FRANÇAIS. Nul doute que sous la pression d’avocats Américains la France a lâché un geste en faveur des survivants et des descendants des juifs français livrés aux Nazis allemands. D’autant plus que pendant de longues années certains hauts responsables de ce crime ont pu échapper aux tribunaux et même d’occuper des postes de hauts fonctionnaires et de dirigeants dans la finance ?
UNE RAISON DE PLUS POUR QUE NOTRE INDEMNISATION PROVIENNE DE LA RFA
500 jeunes gens Alsaciens et Mosellans réfractaires, évadés ou résistants ont été jugés, condamnés et exécutés par les tribunaux d’exception Militaires ou Civils Nazis. 35 000 morts nous interrogent du fond de leur fosses communes, la terreur Nazie en Alsace Moselle n’est pas un vain mot, toutes les familles ont de près ou de loin vu partir un fils un mari un père, pour ne jamais le revoir. Ce crime ne doit pas rester impunis, nous revendiquons haut et fort que les orphelins des Malgré Nous ont été oubliés, on nous a volé nos pères sans jamais le reconnaître et sans en assumer la réparation !
LE DEBAT CONCERNANT LE MUR DES NOMS
Une fois de plus le débat su le Mur des Noms a fait monter la température de la salle, MM TROESTLER et WAHL ont pu nous donner quelques précisions sur le travail de la commission d’enquête qui fut nommée par la Région Grand Est pour redéfinir les objectifs et la réalisation d’un monument mémoriel qui ne sera plus un Mur des Noms. En effet il est fortement question d’une conception architecturale à définir et à concevoir, une commission d’enquête a été nommée attendons les résultats de ses travaux. Inutile de préciser que la majorité des personnes présentes ne comprend pas pour quelle raison la notion d’un mur avec tous les noms est abandonnée.
LES ACTIONS EN JUSTICE DE L’ADEIF
Maître Simonnet nous a informé de l’état des recours en justice, à savoir la nouvelle procédure ADEIF contre PRAZAN qui est prévue au calendrier des plaidoiries le 09 janvier 2020 au TGI de Strasbourg.
Concernant le recours à la Cour Européenne des Droits de L’homme dans la procédure ADEIF contre M. Hebras, nous nous posons la question à savoir : Faut-il poursuivre la procédure contre M. Hebras ? D’une petite affaire où les ADEIF avaient réclamé le Franc symbolique, nous nous retrouvons devant un imbroglio juridique qui peut nous coûter (ou à M. Hebras) plus de 25000 Euros, Ne faut-il pas savoir arrêter les frais en acceptant la condamnation en 1ere instance, une réconciliation entre le Limousin et l’Alsace ne serait-elle pas possible en nous serrant la main ?
Gérard MICHEL
Président de l’OPMNAM
A propos du statut de déporté militaire : https://www.malgre-nous.eu/2013/09/19/1947-le-statut-de-deporte-militaire-est-toujours-en-vigueur/