Les images furent fortes, le cérémonial émouvant. Ce fut un moment historique que celui de la présence du Président de la République Française et du Président de la République Fédérale Allemande à Oradour-sur-Glane. Mais ce temps est passé et les discours laissent un goût amer, un goût d’inachevé sur les bords du Rhin… et peut-être même en Moselle.
Pourtant, il faut souligner que le Président Hollande a fait des efforts louables. Il a parlé juste. L’Elysée a compris enfin ce qu’était le crime de l’incorporation de force pour l’Alsace et la Lorraine mosellane. Non, le problème ne vient plus de Paris. Mais il se maintient au Limousin et semble incruster en Allemagne…
Ne pas reconnaître aujourd’hui l’annexion de fait qu’ont subi les trois départements de l’Est (Moselle, Bas-Rhin et Haut-Rhin) s’avère une aberration. De même ignorer la promulgation des ordonnances allemandes d’août 1942 exigeant la conscription de cette population relève de la mauvaise foi. Et pourtant ces faits incontestables continuent à envenimer les relations interprovinciales françaises entre le Limousin et l’Alsace, ainsi que transfrontalières entre l’Alsace et l’Allemagne. L’Alsace et la Moselle n’ont jamais nié le crime perpétré à Oradour-sur-Glane mais dans le Limousin on continue à nier l’existence du crime de l’incorporation de force pourtant reconnu par la justice notamment à Nuremberg et au procès de Bordeaux (règlement judiciaire du crime d’Oradour).
Quant au Président Gauck, il a voulu renvoyer cette affaire à un débat purement français… Ce qui est faux ! Pourtant, par sa fonction, il assume la continuité de l’Etat allemand et ce fut bel et bien l’Allemagne qui, en bafouant les principes du droit international (Déclaration et Convention de La Haye de 1899 et 1907…) a annexé les territoires de l’Est et les a bel et bien incorporés dans la Wehrmacht ou les Waffen-SS (130.000 incorporés, cela représente 13 divisions… 30.000 tués et 10.000 disparus soit 40.000 hommes morts…).
Certains disent que ce n’était pas le moment ni l’endroit pour en parler. On ne peut que constater que ce n’est jamais le moment ni l’endroit. C’est quand le bon moment ? 70 ans après les faits est-ce encore trop tôt ? Bientôt ce sera trop tard ! C’est où le bon endroit ? Au Mémorial Historial d’Alsace-Moselle de Schirmeck ? Certainement pas ! A Tambov l’ancien camp soviétique pour prisonniers de guerre de triste mémoire ? Encore moins – Alors pourquoi pas Oradour ? N’oublions jamais que ce massacre horrible dont ce village a été victime, a été perpétré en impliquant des incorporés de force venus d’Alsace… Alors comment expliquer leur présence en ce lieu le 10 juin 1944… Pourquoi des Alsaciens étaient-ils à Oradour ? Comment se fait-il que parmi les victimes comme parmi les participants au crime, on trouve des Alsaciens ?
Enfin il faut regretter également qu’on n’a pas eu une parole pour les victimes lorraines, les expulsés du village mosellan de Charly près de Metz devenu pourtant depuis Charly-Oradour… Ne les oublions pas !
C’est à toutes ces questions que l’Allemagne devra répondre un jour ou l’autre surtout si le Président Gauck veut sensibiliser ses concitoyens au massacre d’Oradour, comme il l’a promis. Non, Monsieur le Président Gauck vous ne pouvez pas constamment botter en touche. Il faudra bien affronter un jour la réalité historique. Le Limousin pourra alors accepter la contrainte, la terreur dont les trois départements de l’Est ont été victimes…
Bien sûr le Président Hollande a raison. La réconciliation des Mémoires ne peut s’opérer qu’à travers l’acceptation par tous de la vérité historique et en respectant le sort subi par chacun.
Jean-Laurent VONAU
Plaque en mémoire des victimes de la ville de Schilitigheim. Photo N. Mengus (2013)