Je retrace l’histoire de mon père, Albert Paul Douvier né le 26.6.1925 à Florange, qui a été incorporé dans la Wehrmacht en 1942 ou 1943. Après la Norvège, il a été transféré sur le front de l’est où il a été blessé en Pologne.
Le 6 novembre 1944, le régiment 1114 reculait à partir de Akmene en Lituanie au sud, l’armée russe ayant lancé à partir du 5 octobre une grande attaque contre les Allemands.
Il a reçu une pension de guerre et nous avons été déclaré pupille de la nation après sa mort en1974 à Montleur, dans le Jura.
Je suis à la recherche de renseignements complémentaires concernant son parcours de « Malgré-Nous ».
Merci d’avance pour toute aide.
Jean-Paul Douvier – douvier@free.fr
PAPIER ECRIT DE MA MAIN EN 1971 RACONTANT LES SUITES DE LA BLESSURE DE MON PERE
Je fus blessé le 6 novembre 1944.
Une balle me perfora le côté droit en entrant par le cou et en sortant sous l’épaule droite.
Une autre perfora mon côté gauche au niveau au niveau de la cage thoracique, ce qui eut pour conséquence l’apparition d’une pleurésie.
Je fus transporté à l’hôpital de Koenigsberg (qui s’appelle à ce jour Kaliningrad russe,capitale de la Prusse orientale sur la Baltique.
Puis on me transféra par convoi sanitaire à l’hopital de Gera en Thuringe soit à 950 km.
Je fus traité par électrothérapie pour recouvrir ma voix (en fait paralysie du nerf récurent droit moteur d’une corde vocale d’où cette voix bitonale). Après deux mois, je jus transféré en janvier 1945 à Blankenburg, en Thuringe, dans un sanatorium où je devais voir le fin de la guerre.
Démobilisé le 16 juin 1945, j’ai passé une visite médicale à l’hôpital Sainte-Blandine de Metz où l’on a diagnostiqué des lésions tuberculeuses apicales gauches.
Le 14 mars, pour ma première visite médicale au centre de réforme de Metz, ces lésions tuberculeuses n’ont pas été reconnues.
Toutefois j’ai été réformé définitivement n°1 avec une invalidité de 55 pour cent à titre provisoire.
Pourtant je devais rejeter ces propositions. Le médecin-chef de l’époque me dit d’attendre la décision ministérielle, qui ne me parvint que quelques douze ans plus tard. La pension de 550 francs qui m’était allouée ne me permettait pas de survivre : à l’époque un manœuvre gagnait 7000 francs.
Je ne pouvais recevoir aucune aide familiale, étant orphelin de père et de mère. Je fus donc contraint d’accepter un emploi de concierge en travaillant en cycle, 48h par semaine.
Mon médecin-traitant et le conseil de révision avait émis une contre-indication au travail en raison de mon état de santé précaire.
Je pouvais à tout moment avoir une rupture d’anévrisme fatale.
Sans secours de la société, j’acceptais de risquer une opération jamais tentée avant, dans laquelle j’engageais ma vie. Elle fut réalisé le 29 mai 1947 à l’hôpital de Strasbourg par le Pr Weiss et le Dr Philipides.
Suite à cette opération réussie, mais non sans séquelles (épilepsie), contre les indications de mon médecin-traitant le Dr Zimerlick je décidais de reprendre une formation professionnelle commerciale au collège technique de Strasbourg en 48–49. J’ai obtenu un CAP d’employé de bureau et d’aide comptable.
En1949, lors d’un seconde visite au CDR de Strasbourg, mon taux d’invalidité fut ramené à 50 % malgré les ligatures artérielles multiples, entre autres de la carotide primitive droite. Mes protestations entraînent une réponse semblable à celle de Metz (décision ministérielle puis tribunal).
En 1952, après avoir contracté mariage, je fus atteint de crises comitiales (épilepsie ). Je fis six à huit crises par an. Malgré un traitement sévère de phénobarbital et de barbituriques, elles durèrent pendant une douzaine d’années. Bien que depuis elles se soient estompées, au moindre égarement de traitement elles réapparaissent.
En 1958, en raison de mon état de santé, je devais cesser mon métier de comptable et accepter un emploi de para-comptabilité. Cette mutation due à mes infirmités me valu un déclassement accompagné d’une perte de salaire. Cette même année, je passais devant le tribunal pour le maintien du statut de grand invalide qui me fut accordé. Mais à cette époque, bien que souffrant, ma seule préoccupation était d’éviter à ma famille le triste privilège d’assister à mes crises d’épilepsie (les deux enfants en ont été protégé par leur mère). Mon premier but était d’améliorer mon état de santé par une activité professionnelle afin de vivre comme chacun en refoulant l’étiquette d’handicapé. C’est pour cela que je n’ai pas contesté le taux de 85% depuis novembre 1952.
En 1964, lors d’un séjour à l’hopital Edouard Herriot de Lyon, j’appris que j’étais ancien tuberculeux, ce qui confirmait le diagnostic des médecins de l’hôpital Sainte-Blandine de Metz, huit jours après ma démobilisation.
Après de multiples démarches du centre DR de Lyon, la réévaluation de mon taux d’invalidité 100%+19 . Cette affection étant temporaire, le taux pourrait subir une modification en cas d’amélioration.
En 1968, je fus de nouveau hospitalisé pour étouffement. On constatait un infarctus du myocarde et on me prescrivait un traitement en conséquence.
Réhospitalisé en 1969 pour deux ulcères duodénaux, je devais cesser le traitement anticoagulant de la cardiopathie.
Ces deux dernières infirmités (infarctus+ulcères) ne sont pas reconnues imputables à mes blessures par le CDR.(les symptômes de stress post traumatique étaient déniées à l’époque)
En octobre 1970, je passais une visite chez le Dr Pichat, expert nommé par le CDR, qui a constaté une régression de la tuberculose active et a refusé de constater le désastre pulmonaire créé par les balles et les suites opératoires (fibrose des apex et calcifications nodulaires dus à la tuberculose qui n’a pas été traitée en 1946, soit avec 18ans de retard).
Il a ramené mon taux d’invalidité à 100% au moment même où je pouvais de moins en moins assurer un travail régulier (absence de 100 à 150 jours de travail par an). Ces absences ont contraint mon employeur à me relever de mon poste. La perte de salaire est actuellement de 600 francs par mois !
En 1970 et 1971, mes absences se sont maintenues en raisons de problèmes uro-génitaux et notamment d’une épididymite évoquée comme d’origine tuberculeuse ancienne.
- Précisions de Claude Herold d’après les documents ci-dessous :