Antoine SCHMID, né le 22/07/1919 à Romelfing, a été appelé sous les drapeaux pour le service actif dans l’armée française du 17/04 au 01/07/1940 dans l’infanterie au dépôt 82 de Buxi (Saône et Loire).
Revenu au foyer, il s’est marié avec Jeanne Hacquard, de Romelfing. Ils eurent une fille prénommée Irène.
Le 25/06/1943, il a été incorporé par ordre d’appel dans la Stamm-Kompanie du Panzerjäger Ersatz und Ausbildung-Abteilung 2 de la 12e division blindée et envoyé sur le front russe. Il est muté successivement dans la 3e, la 2e et la 4e compagnie au cours de l’année 1943.
Début 1944, il rejoint la 1ère compagne de la Panzerjäger-Abteilung 2. Le 16/03/1944, il est blessé par un éclat de mortier dans les poumons et hospitalisé dans la région de Nevel. Il reçoit aussi un télégramme lui annonçant le décès de sa petite fille de 6 mois atteinte de tuberculose. Rentré en permission exceptionnelle pour l’enterrement de son enfant, il doit repartir aussitôt au front, laissant sa famille dans le désarroi.
Au cours d’âpres combats, il rapatrie un camarade, blessé par des éclats d’obus, en l’attachant sur son dos et en rampant sur 500 mètres pour le ramener au Lazarett. Pour cet acte de bravoure, il est décoré de la croix de fer 1ère classe.
Une désertion vouée à l’échec
Dans cette même année 1944, six mois après avoir enterré son enfant, il reçoit un nouveau télégramme lui annonçant le décès de son épouse Jeanne, atteinte elle aussi de tuberculose. Rentré en permission exceptionnelle, pour enterrer sa femme, il est à ce point démoralisé et découragé qu’il décide de faire un faux départ ; sa mère et sa sœur, qui l’accompagnent à la gare de Fénétrange, le voient monter dans le train, mais il ressort aussitôt de l’autre coté pour se cacher dans le fossé ; il décide alors de revenir dans le village de Romelfing où il va se cacher dans le grenier d’une belle-sœur.
Mais, au niveau de sa compagnie, il est déclaré déserteur au bout de 3 semaines et la Gestapo se présente au domicile de ses proches qui sont menacés d’être déportés en camp de concentration si le fils ne se présente pas dans les 8 jours à son unité. Antoine décide alors de sortir de sa cachette et, pour rassurer sa famille, de retourner au front avec un mois de retard. A l’arrivée, considéré comme déserteur, on lui rase les cheveux et on l’emprisonne pendant 15 jours. Son officier supérieur, connaissant sa situation familiale, le sort de là et le réaffecte dans la compagnie.
En captivité soviétique
Les combats ont lieu un peu partout dans les secteurs de Vitebsk, Smolensk, Minsk, Riga, puis à Vindau (Lettonie). Son unité est encerclé par l’armée russe et il est fait prisonnier le 8 mai 1945, puis envoyé dans un camp d’internement à Léningrad.
Les recherches n’ont pu aboutir pour retrouver le nom et l’endroit exact du camp ; toujours est-il que c’était un camp de travail forcé au bord de la mer baltique. Leur travail consistait essentiellement au déchargement de navires marchands. Logés dans un hangar désaffecté d’une usine où toutes les vitres étaient brisées, 17000 hommes étaient entassés, à même le sol avec juste une couverture pour se protéger d’un froid polaire. Les rations de nourriture étaient insuffisantes : 40 gr de pain par jour, des soupes composées à 95 % d’eau dans laquelle nageaient quelques feuilles de choux ; pas de matière grasse pendant toute une année. Au total, des dizaines de morts de mal nutrition toutes les semaines.
Une anecdote où mon père a failli être abattu par l’officier russe qui contrôlait l’arrivage de la nourriture : il avait réussi à subtiliser une boite de conserve lors du déchargement. Après avoir recompté, l’officier s’est approché de lui en armant son pistolet et en demandant à l’interprète pourquoi il avait volé. Mon père a répondu : « J’avais faim ». Alors, avec son pistolet, le Russe lui a asséné un coup de crosse dans le visage.
Le jour de sa libération, le 6 mai 1946, il n’était plus que l’ombre de lui-même. Il a été rapatrié sur plusieurs jours en train via la Roumanie. Dans une gare, les Roumains leur donnaient des soupes grasses d’huile et, n’ayant plus eu de matière grasse depuis un an, ils eurent une dysenterie aigüe et comptèrent beaucoup de morts dans leurs rangs.
Arrivés à Strasbourg, ils eurent droit à une désinfection en règle. Au village, où ses proches n’avaient plus de nouvelles depuis un an et demi, tout le monde le croyait mort.
Plus tard, il s’est remarié avec ma mère, mais ce n’était plus le même homme: la guerre avait laissé des traces indélébiles ; en 1966 il eut cependant droit a une maigre pension d’invalidité de 10% soit 373 francs pour l’année.