DAS REICH : LE DOCUMENTAIRE QUI PASSE MAL

Commentaire (0) Revue de presse

 

DNA 11.3.2015

« Au repor­tage (…), il manquait deux choses : la rigueur et le recul ». Cette intro­duc­tion d’une lettre ouverte de l’his­to­rienne Marie-Laure de Cazotte et publiée sur un site consa­cré à l’in­cor­po­ra­tion de force (*) donne le ton du cour­rier à charge contre ce docu­men­taire signé Michaël Prazan et vu par 2,6 millions de télé­spec­ta­teurs.

Elle regrette les « approxi­ma­tions » voire « les erreurs » conte­nues dans ce repor­tage qu’elle quali­fie de « drame moral et scien­ti­fique ». Sur le fond, elle déplore le contre­sens majeur de ce travail : « M. Prazan affirme que les Alsa­ciens étaient majo­ri­taires dans la divi­sion Das Reich. C’est du vanda­lisme à l’échelle de 130 000 mémoires ! »

Au début du repor­tage, qui chro­nique les exac­tions de la divi­sion Das Reich de juin 1944 à mai 1945 (les massacres de Tulle et Oradour notam­ment), le réali­sa­teur indique en effet que « le gros des troupes est composé d’Al­sa­ciens ». Plus tard dans le docu­men­taire, il enfonce le clou : « En 1944, ce ne sont pas moins de 6 000 Alsa­ciens qui ont été enrô­lés dans la divi­sion Das Reich ».

Des chiffres large­ment sures­ti­més, note l’his­to­rien Nico­las Mengus. « Sur les 4 000 Alsa­ciens de la classe 26, 2 000 ont été inté­grés dans la Waffen SS dont 800 au sein de la divi­sion Das Reich », souligne-t-il. « Dans les faits, la présence des incor­po­rés des régions annexées, qu’ils soient Alsa­ciens, Mosel­lans ou Luxem­bour­geois, était soumise à un quota défini par le maré­chal Keitel, comman­dant suprême des forces alle­mandes », écrit Mme de Cazotte. « Le 19 mars 1943, il a donné pour instruc­tion aux offi­ciers de limi­ter la présence des incor­po­rés à 5 % pour les unités de combat. »

« C’est du vanda­lisme à l’échelle de 130 000 mémoires ! »

Michaël Prazan a, par ailleurs, exploité le témoi­gnage d’un incor­poré, Elimar Schnei­der, aujourd’­hui décédé, sorte de fil conduc­teur du repor­tage. Un choix critiqué par les deux histo­riens. « On peut regret­ter qu’il n’y ait pas eu de pana­chage avec d’autres incor­po­rés dans la divi­sion Das Reich », pense Nico­las Mengus.

Le docu­men­taire se termine par ces mots : « Convaincu d’avoir sauvé un homme de la pendai­son, Schnei­der n’a pas été inculpé au procès de Tulle. Parce qu’il n’était pas présent à Oradour lors du massacre, son cas ne fut jamais jugé.

Pour­tant, son enga­ge­ment dans la SS n’était pas exempt d’am­bi­guïté. En 1982, il n’ex­pri­mait aucun regret : “Je ne suis pas d’ac­cord lorsqu’on déclare toujours que les Waffen SS étaient des meur­triers. Il y a une ques­tion d’hon­neur qui joue là-dedans. Ce qui j’ai vu faire par la résis­tance rouge du Limou­sin ne m’in­ci­tait pas du tout à deve­nir déser­teur. Je suis resté dans la troupe pour éviter de deve­nir un meur­trier” ».

Au final, estime Nico­las Mengus, « on peut avoir l’im­pres­sion que la divi­sion Das Reich était une divi­sion d’Al­sa­ciens et de crimi­nels alsa­ciens ».

« En aucun cas, je n’ai voulu porter préju­dice aux Alsa­ciens et je suis d’ailleurs surpris par l’am­pleur des protes­ta­tions », répond Michaël Prazan. Le réali­sa­teur recon­naît les erreurs sur les chiffres. « Oui, ils sont trop impor­tants et je vais tenter de reprendre ces passages avant la diffu­sion sur Arte, pour l’ins­tant prévue le 21 avril. » Ce ne sera pas le cas pour la redif­fu­sion sur France 3, le 28 mars en pleine nuit (3 h 30).

Le docu­men­ta­riste assume, par ailleurs, le choix d’Eli­mar Schnei­der comme témoin post­hume de cette divi­sion SS, tout en ayant précisé qu’il n’était pas volon­taire mais bien incor­poré de force. « Il est devenu la mémoire française de la divi­sion Das Reich qu’il n’a eu de cesse de cher­cher à réha­bi­li­ter », écrit-il en réponse à la réac­tion de Mme de Cazotte (*).

Nico­las Roquejeoffre

(*) http://www.malgre-nous.eu

Une réac­tion reçue de Mme Angèle Miss sur la messa­ge­rie du site

Bonjour,

Très choquée par la diffu­sion du repor­tage sur la divi­sion Das Reich le 2 mars sur France 3, et suite à l’ar­ticle paru dans les D.N.A. le 11 mars, je demande que les redif­fu­sions soient annu­lées.

Trop d’er­reurs sur les Alsa­ciens, sur les effec­tifs et surtout sur la totale absence d’ex­pli­ca­tions sur l’in­cor­po­ra­tion de force… et sur le poids qui pesait sur nos parents et grands-parents en cas de déso­béis­sance.

Par respect de nos parents qui se sont beau­coup battus pour leur liberté et pour rede­ve­nir Français, il est insul­tant pour eux de main­te­nir cette émis­sion.

Comme Nico­las Mengus, « on peut avoir l’im­pres­sion que la divi­sion Das Reich était une divi­sion d’Al­sa­ciens et de crimi­nels alsa­ciens », ceci est into­lé­rable pour moi.

Je demande la suppres­sion de cette redif­fu­sion.

Angèle Miss

Une réac­tion reçue de M. André Schnei­der sur la messa­ge­rie du site

En voyant le docu­ment en objet diffusé sur France 3, j’ai noté les points liti­gieux ou discu­tables dont il est,pour l’es­sen­tiel, fait état dans l’ar­ticle paru ce 10.03.2015 dans les D.N.A.

On peut s’éton­ner que, le réali­sa­teur admet­tant ses grosses erreurs et approxi­ma­tions parmi un ensemble quand même très parlant, il soit envi­sagé de redif­fu­ser le 28 mars la même version. Il me semble qu’une oppo­si­tion à cette diffu­sion devrait appa­raître.Sans verser dans une censure larvée, il serait peut-être aussi préfé­rable que le réali­sa­teur fasse vision­ner sa version corri­gée avant sa diffu­sion…

Il serait temps de se sortir avec effi­ca­cité de l’es­prit « soit-disant Malgré-nous » propre­ment affli­geant.

Cordia­le­ment

André Schnei­der

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