Des échanges – qui suivent nos contacts téléphoniques ou épistolaires avec des incorporés de force – découle systématiquement une approfondie connaissance des drames des Alsaciens et Mosellans. En effet, les incorporés de force s’expriment ouvertement, lorsqu’un climat de confiance est établi.
Ils s’expriment d’autant plus aisément, qu’ils ont beaucoup à dire. Cela est dû au fait, qu’en dehors de l’Alsace et de la Moselle, ils n’ont été : ni entendus, ni écoutés, mais rejetés. C’est infiniment regrettable.
Pourtant, et c’est un devoir de l’affirmer: les incorporés de force ont remporté une immense victoire sur le nazisme. Incorporés, immergés dans cette idéologie du crime, de la violence sous toutes ces formes, et sans limites, ils ont résisté. Ils ne sont pas devenus les monstres que l’on aurait aimé qu’ils fussent. Mieux encore, il paraîtrait que les outrages subis par eux, leur conférèrent : humanisme, courage et esprit de réussite.
Autrement dit, ils réalisent tout le contraire de ce qui avait été espéré d’eux, par un conditionnement nourri d’horreurs.
La connaissance, c’est à dire l’examen impartial des parcours, de chaque incorporé de force, ne peut que susciter chez chacun de nous, un sentiment de fierté, envers les compatriotes Alsaciens ou Mosellans.
N’ont-ils pas su, chaque fois que cela était possible, se soustraire par la désobéissance, à la criminalité.
Sur le front de l’Ouest, nombreux sont ceux qui désertèrent dès qu’ils en eurent la possibilité. C’est à dire, dans les conditions susceptibles de ne pas entraîner des représailles sur leurs familles et amis. Ce préambule, truisme sans originalité, n’a d’autre objet, que de démontrer combien reste néfaste, par ses conséquences, la politique du silence voulue par nos gouvernants depuis la fin de la guerre.
Cette politique par omission volontaire, est une véritable catastrophe nationale. Elle tend à empêcher l’harmonie entre les provinces. De nos compatriotes, en toute bonne foi, mais par une ignorance dirigée, sont devenus négateurs. Cela entretient un profond malaise, propre à nourrir un déchirement, absolument contraire à l’unité nationale et européenne.
Nous connaissons par les livres et les journaux, les récits de nombreux incorporés de force. Tout n’a pas été publié. La preuve: voici la narration du drame d’un incorporé de force. Nous allons, en plus de son calvaire dans l’armée nazie, faire partiellement état de ses aptitudes professionnelles. Cela afin d’expliquer le plus modestement possible, une réussite sociale.
Ces quelques lignes ont un Normand pour auteur. Par le plus grand des hasards en 1944, des faits lui firent comprendre ce qu’était l’incorporation de force. Il était alors enfant. Ce fut une blessure de l’esprit. De ces blessures infantiles, qui jamais ne guérissent car les ans et la compréhension les rendent douloureuses. Le seul antidote qui vaille, est le témoignage, ou l’expression de sympathie et de fraternité à tous nos compatriotes qui connurent l’esclavagisme.
En France de l’Intérieur, cet esclavagisme n’est pas ou peu connu. Il n’a pas été enseigné, ni par l’École, ni par la Presse. L’incorporation de force est un des drames les plus hideux du XXème siècle. Voilà pourquoi, il doit être porté à la connaissance du plus grand nombre de nos concitoyens.
Les contacts sont nombreux et aussi très enrichissants entre la Normandie et l’Alsace. Des liens de solidarité sont nés entre nos régions, il faut les cultiver. En voici la preuve, je ne connais pas Monsieur Maurice STOTZ, il déserta de la Waffen SS en Normandie. Par un heureux hasard, lors des cérémonies du 70eme anniversaire à Obernai, un ami, lui aussi incorporé de force, a donné notre adresse : celle de l’Association » Solidarité Normandes aux Incorporés de Force Alsaciens-Mosellans » S.N.I.F.A.M. 6 Bd maritime 14750 SAINT AUBIN SUR MER.
A la S.N.I.F.A.M., nous nous faisons un devoir de mettre en exergue ce que firent les Alsaciens et Mosellans sur tous les fronts, mais principalement lors de la bataille de Normandie. Nous racontons également les aides apportées par des Normands, à ces « pauvres gamins » comme il était dit d’eux, parfois.
Si nous avons connaissance des principaux faits qui entourent la vie de Maurice STOTZ, alors qu’il était dans l’armée nazie, nous avons également eu connaissance de sa réussite professionnelle et de son attachement à sa profession. Il se consacra à la jeunesse qui se destinait et se destine encore aux métiers de l’automobile. Maurice STOTZ à très tôt compris tout l’intérêt pouvant être retiré, d’une formation professionnelle sérieuse, parce que, encadrée et programmée. Par le partage, il a donc fait valoir ses connaissances pour le plus grand bien de la formation professionnelle et de là, pour les bénéficiaires de cette formation.
Il ne doit pas être difficile de faire dire à Maurice STOTZ, que la richesse d’un pays, est toujours dans la qualité de sa formation professionnelle.
Pour cette raison, et après avoir personnellement estimé le temps qu’il a dû consacrer à l’intérêt général -avant de laisser la plume à Maurice STOTZ –je rapporte ce qui est un véritable état de services : lisez plutôt:
– Maître Mécanicien Auto, établi à son compte le 1er octobre 1951.
Brevet de Compagnon le 22 juillet 1943.
Brevet de Maîtrise le 19 juin 1953.
Membre titulaire de la Section de MULHOUSE, de la Chambre des Métiers d’Alsace de 1977 à 1983
Membre du Bureau de l’Union des Corporations Artisanales de 1978 à 1987.
Membre du Comité Directeur de la Corporation Professionnelle de 1970 à 1976.
Président délégué des métiers et agents de 1976 à 1986
Vice –Président des agents et artisans en 1975.
Assesseur-Maître Suppléant de la Commission d’Examen du brevet de Maîtrise dans le métier de Mécanicien Auto de 1958 à 1972
Assesseur-Maître de la Commission d’Examen du Brevet de Maîtrise dans le métier de Mécanicien Diéséliste de 1980à1987.assesseur-Maître de la Commission d’Examen du Brevet de Compagnon dans le métier de Mécanicien-Auto de 1973 à 1978
Assesseur-Maître de la Commission d’examen du Brevet de Compagnon dans le métier de Mécanicien –Diéséliste de 1976 à1978.
Président de la Commission du Brevet de Compagnon dans le métier de Mécanicien Auto et celui de Mécanicien Diéséliste depuis 1979
Distinctions obtenues: Médaille de Bronze de la Reconnaissance Artisanale en 1982
Médaille d’Argent de la CSNCRA en 1989
Médaille d’Honneur en or CHAMBRE DE MÉTIERS D’ALSACE en 1989
Palmes Académiques en 1991
Trophée de l’Automobile en 1992
.Médaille en or de l’Union des Corporations Artisanales le 4 juin 2004
Maurice Joseph STOTZ naquit le 13 mars 1926 à 22h 30 à Mulhouse, 34 rue du Brochet. Il est le fils de Joseph, né le 14 mars 1899 et de Thérèse KEMPS épouse STOTZ ‘ née le14/10/1898. Joseph était maçon,
Maurice avait un frère.
Laissons Maurice nous raconter à grands traits sa scolarité, et une adolescence que jamais hélas, il ne vécut pleinement.
» J’ai été scolarisé à l’École NESSEL, dans la 1ère et 2ème classe. En cette période, comme il n’y avait pas de 3ème classe, faute de professeur, les dix premiers furent mis en classe de 4ème. Cette année scolaire fut très dure. Mais tous, nous avons réussi, et de ce fait, j’ai obtenu le Certificat d’Études Primaires à 12 ans.
Dans cette école, la 6ème classe était la dernière du cycle. Pour cette raison, je fus muté à l’École Centrale de MULHOUSE en 7ème, pendant 2 ans. C’était la dernière classe. Pour cette raison, une dérogation m’a été nécessaire pour que je puisse commencer l’apprentissage de mécanicien automobile en mars 1939. C’était au garage PESSONET. J’étais alors âgé de 13 ans et demi.
Ce garage, était réquisitionné par la ville de MULHOUSE, et ce, jusqu’à l’arrivée des Allemands. Avec succès, j’ai passé le CAP (Brevet de compagnonnage, en langue allemande) le 22/07/1943.
Mais le 24/03/1943, les autorités allemandes nous firent passer devant un conseil de révision à MULHOUSE. Déclaré apte, je fus enrôlé de force au R.A.D. (Reicharbeitsdienst).
Le 11/10/1943, nous fûmes nombreux à partir en train jusqu’à KRAMPF, près de BRINGENAU (Prusse orientale) où après quelques semaines d’éducation militaire, avec une bêche, nous devions creuser la terre pour faire des routes. Des ampoules aux mains me faisaient souffrir. Je n’étais plus en mesure d’effectuer ce travail de terrassement. Pour cette raison ils me mutèrent à l’aérodrome de LIEGNITZ. Je montais la garde avec une bêche.
Les nazis me libérèrent le 4 janvier 1944. Peu de temps après la classe 1926 a été rassemblée au lycée de jeunes filles à MULHOUSE. Là, nous avons été obligés de signer une feuille portant les runes SS. Tous, nous avons refusé d’apposer notre signature. Nous avons été gardés jusqu’à minuit et battus. Pour pouvoir rentrer chez nous, finalement nous avons tous signé. Le lendemain, après avoir obtenu un rendez-vous, je suis allé chez le chef militaire de MULHOUSE. Ma plainte fut notée, et promesse me fut faite de me libérer de ma signature obtenue sous la contrainte. Cela par écrit : (voir photocopie du document) malgré cet écrit, je fus enrôle de force dans la Waffen SS le 4/02/1944. Le chef allemand dans la région de Mulhouse m’avait menti. Nous étions environ 950 Alsaciens enrôlés de force.
Après le départ de la gare de MULHOUSE, nous avons sorti et agité les drapeaux français, que nous avions, sur nous, dissimulés. Lors des arrêts du train, et jusqu’au passage du Rhin à Strasbourg, nous chantions la Marseillaise.
Nous sommes arrivés à STABLACH, près de KOENIGSBERG, où après avoir reçu les uniformes, pendant trois semaines, ils nous ont torturés, pire que des ennemis. Cela en représailles de nos comportements après le départ de MULHOUSE.
La radio anglaise (captée en secret) a signalé ces faits qui furent entendus en Alsace.
Après la formation militaire, nous avons été mis dans des wagons à bestiaux. Après 9 jours de voyage, nous arrivons à LANGON (Gironde). Lors du trajet, notre alimentation était composée de pain, de boîtes, de viande et d’eau.
Un jour, dans une gare de triage, nous étions alors en France, nous avons entendu » Il y a sur un wagon, une citerne de vin percée » Nous avons alors pris notre gamelle (2L environ) et l’avons remplie. Le chef nous avertit » il va y avoir un contrôle pour payer les dommages sur la citerne…! » Nous avons bu le vin. J’avais une cuite impossible à oublier.
Le 20/02/44 arrivés à LANGON, ils nous ont rassemblés et questionnés sur notre spécialité. Puisque j’avais le brevet de mécanicien, j’ai été mis dans une compagnie de transport.
Avec nos sacs, nos armes, nous avons, dans la nuit, marché jusqu’à ARBENATS, parcourant ainsi 20 km. A la fin nous étions épuisés et nous nous traînions. Pendant deux jours nous avons ressenti cette grande fatigue, c’est alors que j’ai été muté dans la première SS Pioner, Bataillon 2 Das Reich.
Le chef de compagnie était le lieutenant HOHME. Pendant un mois nous étions formés comme élites. Ce fut jusqu’à épuisement total de nos forces. Nous avons parcouru la contrée jusqu’à MONTAUBAN la VORETTE.
Le 17/05/1944, nous sommes arrivés à VERDUN-sur-GARONNE. À plusieurs nous avons été installés dans le château. Le Comte et la Comtesse, à qui j’ai raconté mes aventures, m’ont reçu comme leur fils. Ils m’ont donné à manger et à boire comme à un invité. Mais, cela seulement la nuit, quand les autres dormaient.
Nous étions 6 Alsaciens dans notre compagnie. Le 3/06/1944, j’ai reçu l’ordre de préparer la traction avant Citroën, afin d’emmener le Chef de Compagnie et son épouse. Par le train, elle allait regagner l’Allemagne. Avec l’aide d’un garagiste civil, nous avons crevé un pneu arrière de la voiture, et cela de façon à rendre la réparation impossible.
Mon chef m’a vertement « engueulé », mais comme le temps pressait il a commandé un autre chauffeur et une autre voiture, et est parti. Grâce à ce subterfuge, j’ai sauvé ma vie, personne ne revint. Nous sûmes, peu de temps après, qu’ils avaient été attaqués par les maquisards. Cette attaque, est racontée par Guy Penaud, dans son livre: « Das Reich 2eme Panzer Division ». Notre stratagème fut donc utile ce 3/6/1944. Ce jour là, HOHME fut tué. Voici in extenso ce que dit Guy PENAUD, page 105 : » Le 3 juin 1944 vers 10h30, le maquis attaqua à LINAC (Lot) à 150m du pont du COLOMBIER, à la hauteur de la borne FIGEAC 7 km, une voiture allemande isolée, dans des circonstances particulières. Cette voiture avait quitté FIGEAC (Lot) par la RN 122 et se dirigeait vers AURILLAC (Cantal). La Peugeot transportait trois SS et une femme de nationalité allemande; en effet, le lieutenant SS HOHME, commandant la première compagnie du 2ème bataillon du génie, avait eu l’étrange idée de faire venir sa femme auprès de lui. Le bataillon du génie de la division Das Reich était cantonné à cette époque dans la région de Toulouse, son état-major étant installé à GRENADE-sur-GARONNE (Haute Garonne). Ce jour-là, HOHME, sa femme, un autre SS et un chauffeur occupaient le véhicule. Arrivés au lieu « Le Pont du COLOMBIER », peu après FIGEAC, le véhicule tomba dans une vallée encaissée, sur des maquisards qui ouvrirent le feu. Deux Allemands furent tués; l’officier, le lieutenant SS HOHME, descendit du véhicule et ouvrit le feu avec son pistolet. Une grenade l’acheva. Sa femme gisait inanimée dans la voiture. Après une fouille rapide du véhicule, celui ci fut basculé dans le remblai côté CÉLÉ et incendié. Les résistants, de leur côté, se replièrent sur la rive Sud du côté CÉLÉ, du côté opposé à LINAC.
Vers 10h45, un second véhicule allemand arriva sur les lieux et donna l’alerte. La répression fut cruelle, une trentaine de véhicules blindés et un peloton motocyclistes étant venus en renfort de FIGEAC. Ne cherchant même pas à retrouver les résistants, les militaires allemands passant devant la maison la plus proche du lieu de l’embuscade, au bord de la route, aperçurent les habitants dans leur cuisine…….. »
Notre stratagème fut donc utile.
Le 8/06/1644, nous avons reçu l’ordre de nous diriger vers la NORMANDIE, où avait eu lieu le débarquement le 6 juin 1944.
Je roulais en dernière position, afin de dépanner les chenillettes. Ce déplacement fut très dangereux, car après les dépannages une seule chenillette nous protégeait. Dans les environs de TULLE, les partisans nous ont attaqués. Ils avaient abattu plusieurs arbres sur la route. Nous avons donc du revenir vers TULLE. Autre attaque, une vingtaine de balles atteignirent mon véhicule. Cette nuit là, nous avons couché à TULLE, ne sachant pas que la nuit précédente, les FFI maquisards, avaient attaqué l’hôpital où étaient des Allemands blessés. En représailles les Allemands ont pendu de nombreux maquisards.
Le 10/06/1944, nous avons retrouvé notre compagnie, elle était venue nous chercher. Nous avons passé près d’ORADOUR –sur-GLANE, où avait eu lieu le terrible massacre. Je pense qu’il était dû à une intervention sur notre chef de compagnie et à d’autres attaques sur les troupes allemandes. Heureusement, notre chef, commandant la 2ème compagnie ne fut pas désigné pour effectuer le massacre.
Après quelques jours, nous sommes arrivés en NORMANDIE. Nous ne pouvions rouler que la nuit. Le jour, les alliés avec leurs avions, nous mitraillaient, nous bombardaient. La journée, nous étions camouflés dans les chemins peu éloignés de la route empruntée. Des branches coupées et mises sur les véhicules, empêchaient les aviateurs de nous voir. Nous sommes arrivés en NORMANDIE, dans des lieux dont nous ne connaissons pas le nom. Toutes les nuits, nous avancions dans les premières lignes, afin de récupérer les blessés, les morts, les chenillettes et autos mitrailleuses endommagés. C’étaient des Schützenpanzer, avec des pneus increvables à l’avant et des chenillettes à l’arrière. Elles n’avaient pas de toit, cela pour que puissent être utilisés en roulant : les mitrailleuses et les petits canons les armant.
Un jour, j’ai ramené un blessé grave dans le Citroën afin de le conduire à l’hôpital établi sous une tente. Pendant le parcours, les avions alliés nous prirent pour cible. Le sous chef Haupt-Scharfürer STAEKLI, chef de la section dépannage, alors cramponné sur l’aile avant droite (pour voir si les alliés attaquaient) fit un bond dans le fossé. Lorsque j’arrêtais la voiture, le blessé était arrivé derrière lui. Malgré ses graves blessures, il avait sauté. Tous les jours, nous nous sommes avancés vers les alliés : des ponts étaient détruits pour les freiner dans leurs avancées.
Arrivés près de OISSEL, le pont vers ROUEN était endommagé, nous avons été ralentis. Dans une maison, à des civils, j’ai exprimé ma situation d’ALSACIEN incorporé de force et mes désirs de déserter. Furent-ils dubitatifs ? Ils m’invitèrent à revenir le lendemain matin. Je demandais à René LAMBERT de venir avec moi. Il a longtemps hésité car c’était un ancien, il était marié et avait deux enfants. Après plusieurs minutes, il a accepté. Nous avons mis nos bleus de travail, et discrètement nous sommes partis. J’ai retrouvé la maison, mais elle était vide. Les gens avaient eu peur. Entre-temps, nous avons dissimulé nos armes et nos papiers près d’un arbre, dans un trou que nous avons comblé.
Le jour avant, j’avais remarqué une maisonnette de jardin dont la cheminée fumait. Mon copain René, eut peur et se cacha dans un fossé. J’ai frappé à la porte, une voix féminine m’a demandé ce que je voulais. J’ai alors répondu » Nous sommes 2 Alsaciens déserteurs de l’armée allemande et nous cherchons un refuge ». De suite, une femme m’a ouvert la porte et m’a dit que leurs deux hommes étaient absents, car dans le maquis. Elle m’a donné de suite des habits de son mari. Je suis allé chercher René, à lui aussi, elle donna des vêtements.
Dans cette maisonnette, il y avait 2 femmes, 2 filles, 1 garçon et une grand-mère. Nous nous sommes ainsi retrouvés à 8 personnes. Un peu plus tard, nous avons entendu des Allemands parler devant la maison. C’étaient des soldats de notre compagnie. La femme nous a dit de nous coucher sous le matelas, et les filles et la grand-mère se sont couchées dessus. Les Allemands entrèrent mais ne virent rien d’anormal, ils repartirent. Une fois encore, j’étais sauvé. Ces personnes qui nous sauvèrent avaient pour nom SAEGART, et étaient d’OISSEL.
Après 3 jours, les maris des femmes sont, de nuit revenus. Ils nous ont emmenés à ST AUBIN les ELBEUF dans le château. Là, il y avait des FFI (Force Française de l’Intérieur). Le lendemain, après les questions et explications que l’on devine, me fut remis un fusil. J’ai d’abord gardé des prisonniers allemands. Les FFI eurent tôt fait de me considérer comme un ami. Nous avons combattu des Allemands et fait des prisonniers. Peu après, je suis tombé en panne de camion, le filtre à essence était bouché. Couché sur l’aile avant gauche, j’effectuais le nettoyage du filtre. Une voiture allemande est passée trop près et m’a accroché. Je fus trainé au moins sur 10m. En reprenant mes sens, je demandais si quelqu’un avait un miroir, afin que je puisse voir mon visage très endolori. Mes deux mains étaient écorchées, ensanglantées et très douloureuses. De plus, j’avais mon pantalon déchiré et une grosse blessure près de la fesse. Le camion étant toujours en panne, ils m’ont transporté sur une voiture attelée d’un cheval jusqu’à l’hôpital, probablement à ELBEUF. Mes blessures furent soignées, recousues. Je suis resté plusieurs jours en observation. Sorti de l’hôpital, j’ai dû y retourner tous les jours afin que mon visage, mes mains, ma fesse soient soignés. Progressivement, j’ai retrouvé ma vitalité.
Nous avions un Adjudant chef, il était de réserve. Il savait où trouver de l’essence, et il nous emmenait sur la Seine pour pêcher à la dynamite.
A la libération, les militaires nous ont emmenés à ROUEN, à la caserne du 31ème Train de B.S.M, où nous sommes restés plusieurs semaines. Comme tenue, nous avions un pantalon militaire, une veste civile et un calot.
Mon ami René, avait une cousine à PARIS, il m’y a emmené par le train.
Au début j’étais seul dans un centre d’accueil et sans argent. A PARIS, quelques petites aides me furent attribuées. J’ai retrouvé l’adresse de la grand-mère, qui était avec sa fille dans la maisonnette, où j’avais déserté à OISSEL. Elle était gardienne dans un petit hôtel, 18 rue de Belfort à PARIS. Il y avait aussi une autre des filles qui était dans la maisonnette de OISSEL Elle m’a prêté sa chambre où je suis resté jusqu’à mon retour à MULHOUSE. Mon ami René, m’a trouvé une place de manœuvre dans une usine, de là, j’ai pu emporter tous les soirs du bois pour chauffer la chambre.
Le 2/04/1945, j’ai pu enfin, avec le premier train voyagé jusqu’à BELFORT. Là, j’ai appris que des essais été effectués sur le viaduc de DANNEMARIE afin d’en contrôler la résistance en charge. Je me suis donc caché dans les toilettes, ainsi, je suis arrivé, seul dans le train, à la gare bombardée de MULHOUSE. A pied, je suis rentré chez mes parents. En me voyant, ils furent très, très heureux car les Allemands les avaient prévenus de ma disparition à OISSEL.
Le 5/04/1945, pour la durée de la guerre, je me suis engagé dans la 4ème Division Marocaine de Montagne. C’était à DORNACH. J’ai reçu l’uniforme américain. Quelques jours plus tard, nous sommes partis à STRASBOURG où nous avons franchi le Rhin sur un pont provisoire.
En Allemagne, le long du Rhin, nous avons combattu jusqu’à la frontière d’Autriche. A DORNBIRN, nous avons été cantonnés jusqu’à la fin mai. Un soir, nous étions encerclés par des milliers de SS (5000 environ). Ils tentaient de rentrer en Allemagne via l’Autriche. Je les ai entendus parler allemand tellement ils étaient près de nous. Fort heureusement ils restèrent sur place. Le lendemain au matin l’aviation alliée les a anéantis. C’est en cette période qu’en qualité de mécanicien, je fus muté dans la 188ème Compagnie de Transport. J’étais armé d’un fusil et de 8 cartouches.
Le lendemain matin de mon arrivée dans la 188ème compagnie, le Chef de Compagnie m’a convoqué. Il a voulu me donner des faux papiers et me faire changer de compagnie, car j’avais en poche, les papiers attestant ma désertion de l’armée nazie. Si les SS s’étaient avancés quelques mètres de plus et avaient trouvé ces papiers, j’aurais été fusillé. J’ai refusé ma mutation, par esprit de camaraderie. J’étais ami avec tous les autres, de plus ils avaient besoin de moi comme interprète, j’étais le seul à parler français et allemand. Cela me permettait également d’organiser des bals tous les samedis. Nous avions des quantités de litres d’alcool: fruit de nos échanges contre de l’essence avec les paysans. Pour du chocolat, des cigarettes et du schnaps, nous avions pratiquement toutes les filles. Comme nous étions les seuls militaires, à posséder ces produits ou denrées, pour rester les maîtres de la situation, nous avons dû, nous bagarrer avec les autres militaires.
Souvent, j’étais commandé, pour emmener des permissionnaires à STRASBOURG. Je modifiais l’ordre de mission, en portant la mention » via SÉLESTAT ». Ainsi, j’ai pu aller à KINTZEIM voir ma famille, ainsi que les filles connues grâce à ma cousine.
Après tous ces périples, nous sommes rentrés en France. Nous étions cantonnés à DANJOUTIN, près de BELFORT.
Le 13/11/1945 à GRENOBLE, nous étions démobilisés de la 4ème D.M.M. (Division Marocaine de Montagne). J’étais âgé de 19 ans et 8 mois. Numéro matricule français 07411.
La France m’a décerné: le titre de la Reconnaissance de la Nation, la Croix de Guerre, la Médaille des Évadés, et la Médaille des Combattants de la Résistance.
Voilà donc à grands traits le résumé de mon passage dans l’armée ennemie et celui de mon passage dans l’armée française.
Le 16 avril 1949, j’ai épousé Marie-Antoinette SCHWARTZENTRUBER. C’est ensemble que nous avons créé en octobre 1951 (après 2 ans d’exercice de ma profession de mécanicien automobile) avec l’aide financière d’un ami notre premier petit garage. Nous l’avons appelé « GARAGE MAURICE ». Nous avions un salarié. Quelques temps après, nous remboursions notre ami.
En 1963, nous avons construit un garage plus grand. Au cours des années, nous l’avons agrandi et nous avons pu embaucher plus de personnel. Grâce à mon apprentissage commencé à 13 ans et demi et mes 2 années militaires, j’ai pu prendre ma retraite à 60 ans.
Nous avons légué ce garage, en usufruit, à nos 2 enfants. Ils sont titulaires pour l’un : du brevet de Maîtrise de mécanicien automobile, pour l’autre : du Brevet de Maîtrise de Carrossier Peintre.
Actuellement, 2 petits enfants, l’une avec une Maîtrise de Gestion, l’autre avec le Brevet de Maîtrise aident à gérer l’affaire. Nous avons 23 salariés.
Maurice STOTZ
PS 1 : Je suis retourné plusieurs fois en Normandie et je suis resté ami avec les Normands jusqu’à leurs décès.
PS 2 : Je tiens à remercier l’Association S.N.I.F.A.M. (Solidarité Normande aux Incorporés de Force Alsacien-Mosellans)