Au reportage consacré à la division « Das Reich » diffusé sur FR3 le 2 mars, il manquait deux choses : la rigueur et le recul.
Il est navrant de constater qu’en 2015 on en soit encore à offrir de ce moment de l’histoire une vision tronquée et plus soucieuse de conclusions que d’analyse.
Donner à croire que les troupes de la division « Das Reich » responsables, entre autres exactions, des massacres de Tulle et d’Oradour étaient, en France, principalement constituées d’Alsaciens est un non-sens et une erreur historique.
Dans les faits, et par exemple, la compagnie impliquée dans l’affaire d’Oradour rassemblait cent-quarante hommes dont trente incorporés de force alsaciens. Ce dernier chiffre ne constitue donc pas, comme l’affirme à plusieurs reprises le reportage de Michaël Prazan, « le gros des troupes ». Pour rappel, sur les 4000 Alsaciens de la classe 26, environ 2000, ont été versés d’office dans les différentes divisions Waffen-SS et pas uniquement dans la « Das Reich ». Nous sommes bien loin des 6000 annoncés dans le documentaire.
Ce serait sans grande conséquence si ce n’était accompagné d’une absence totale de curiosité quant aux conditions de l’incorporation des Alsaciens et des Mosellans.
Donner à penser que les Alsaciens aient pu être volontaires, voire enthousiastes, comme il est suggéré, c’est oublier que, jusqu’en août 1942 et la publication du décret imposant l’incorporation, environ mille volontaires se sont engagés sous le drapeau allemand, c’est à dire un peu moins de 1% du total final des incorporés. C’est oublier, aussi, les menaces de mort clairement libellées sur les documents militaires, les récalcitrants fusillés et les répressions infligées aux familles des déserteurs : déportation en Silésie, arrestations, prise d’otages…
Si, dans ce reportage, on additionne les témoignages tronqués – celui, par exemple, d’Elimar Schneider dont il est fait un Waffen-SS actif en omettant de préciser l’incroyable courage dont il a fait preuve lors de l’affaire de Tulle en sauvant deux hommes de la pendaison –, les confusions documentaires – les images d’illustration montrant des soldats de la Luftwaffe ou de la Wehrmacht au lieu de Waffen-SS –, et l’absence de cadre historique clair – la division « Das Reich » était déjà en France en 1940 (et aucun massacre n’a été enregistré sur son passage) –, le résultat aboutit à une fiction.
Il va sans dire que, pour tous ceux qui portent dans leurs mémoires l’épouvantable blessure de l’annexion et de l’incorporation de force, cette vision des choses est une offense.
Marie-Laure de Cazotte
Ecrivain
(A l’ombre des vainqueurs – Albin Michel 2014)