Novembre 1914: quand Joffre, le chef des armées françaises, s’adresse aux Alsaciens à Thann en leur apportant, en gage d’harmonie, « le baiser de la France, le respect de vos traditions, de vos mœurs », c’est l’euphorie. Mais dix ans plus tard, l’Alsace est désenchantée. Pourquoi? C’est ce qu’explique un documentaire historique.
En 52 mn, Hubert Schilling, ancien journaliste, et Michel Favart, le réalisateur du film de fiction « Les deux Mathilde » brossent la fresque de ce désamour dont il reste encore des traces aujourd’hui. André Hugel, petit fils d’un viticulteur de Riquewihr très francophile (tout en ne sachant pas parler français!)et qui avait accueilli avec allégresse les Français, expose bien ce sentiment bafoué. Par des mesures administratives dignes d’une colonie, avec des salaires supérieurs pour les fonctionnaires venus de France. Par des décisions brutales comme l’éradication du Concordat à laquelle, suite à une manifestation monstre à Strasbourg au cours de laquelle furent entonnées la Marseille et le Te Deum, Paris finit par renoncer. Par un apprentissage radical de la langue française (95% de la population s’exprimait en alsacien) avec des instituteurs qui n’étaient pas tous de grands pédagogues.. Les historiens François Uberfill, Geneviève Bass, Jean Noël Grandhomme et d’autres expliquent aussi les brutales expulsions d’habitants dont les parents avaient eu le tort de naitre en Allemagne ou en Autriche, le rôle sinistre des commissions de triage et des cartes d’identité basées sur l’ethnicité des Alsaciens. L’historien allemand Stefan Fisch relève d’ailleurs avec justesse que la France agissait alors en totale contradiction avec ses propres lois puisque son appartenance nationale est fondée « sur le droit du sol et non sur le droit du sang »… « Est-ce que les choses auraient pu se passer différemment? » s’est demandé un spectateur lors de l’avant-première dans un cinéma strasbourgeois. Impossible de la savoir. Ce qui est certain, c’est que ce retour mal géré des provinces perdues créa bien des tensions On ne peut que féliciter les producteurs, soutenus par la Région Alsace et d’autres collectivités locales, d’avoir osé enfin exposer ce malaise né il y a un siècle.
A voir dimanche 7 avril à 23h20 ainsi que samedi 20 avril à 15h20 sur France 3 Alsace. Diffusion nationale non prévue pour l’instant, dommage!
M.G.-L.