Le procureur général de Rhénanie-Westphalie Andreas Brendel se fait connaître en enquêtant sur les responsables allemands du massacre d’Oradour-sur-Glane. Hier, cette enquête l’a mené chez l’association des Malgré-Nous du Bas-Rhin.
Au mois d’avril dernier, l’Association des déserteurs, évadés et incorporés de force (Adeif) du Bas-Rhin, à Strasbourg, avait été informée par un major de gendarmerie de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité (OCLCH), basé à Rosny-sous-Bois, que la Justice allemande s’intéressait à ses archives ( L’Alsace du 21 avril 2016). Cet intérêt s’est concrétisé hier matin : vers 10 h, ce major s’est présenté dans les locaux strasbourgeois de l’Adeif avec un commissaire de police de Düsseldorf et le procureur général de Rhénanie-Westphalie, Andreas Brendel. Depuis 2010, celui-ci se fait connaître en traquant les derniers Allemands qui pourraient être jugés responsables du massacre d’Oradour-sur-Glane.
« Pourquoi a-t-on tant attendu ? »
Ils étaient également accompagnés par l’historienne Andrea Erkenbrecher. Allemande résidant en Alsace, elle faisait hier office de traductrice, mais elle sert aussi, de façon générale, d’expert historique dans cette enquête ; elle est en train de rédiger une thèse à l’université de Munich sur « le comportement allemand » depuis 1949 « envers ce village martyr français ».
Le procureur Brendel a demandé à la gendarmerie française de venir dans les locaux de l’Adeif après avoir eu connaissance de ses archives grâce au livre Entre deux fronts (éd. Pierron), coécrit par les Alsaciens Nicolas Mengus et André Hugel. Les documents qui l’intéressent sont des minutes d’interrogatoires de personnes jugées lors du procès de Bordeaux, début 1953. Elles appartenaient à l’ancien président de l’Adeif 67 Paul Mingès, qui fut avocat de soldats alsaciens lors de ce procès. Nicolas Mengus et André Hugel étaient présents hier dans les locaux de l’Adeif.
L’accueil a d’abord été un peu abrupt… Le secrétaire de l’Adeif Gérard Michel, par ailleurs président de l’association Orphelins de pères Malgré-Nous d’Alsace-Moselle (OPMNAM), a demandé « pourquoi on a attendu que les responsables du massacre soient morts pour venir enquêter ». Il a également remis à ses visiteurs un courrier dans lequel il estime qu’ « avant d’envoyer une enquête, il eût mieux valu qu’une haute autorité allemande demande publiquement pardon pour l’incorporation de force sous contrainte envers les familles ».
Mais la civilité s’est vite imposée ; chacun s’est assis et Nicolas Mengus a aidé les enquêteurs d’Outre-Rhin à rechercher, puis photocopier, les documents souhaités. À midi, tout était terminé. Une dizaine de documents ont été photocopiés… mais on a découvert à cette occasion qu’il en manquait à peu près autant. Ces pièces manquantes avaient pourtant été consultées par Nicolas Mengus durant sa propre enquête, il y a quelques années.
Vers un nouveau procès ?
Deux des 14 Alsaciens qui figuraient parmi les accusés du procès de Bordeaux sont encore vivants, mais les recherches menées par le procureur allemand ne concernent que des ressortissants de son pays : « La Justice allemande ne peut pas poursuivre des Français » , nous a précisé Andreas Brendel à l’issue de cette réunion. Côté allemand, moins de huit personnes sont encore concernées par cette enquête. Arrivera-t-on à un nouveau procès Outre-Rhin sur ce massacre ? « Je ne peux pas répondre à cette question tant que l’enquête est en cours , rétorque le procureur. On essaye d’abord de savoir ce qui s’est passé… »
Dans ce même cadre, les enquêteurs ont prévu de rencontrer aujourd’hui comme témoin un Malgré-Nous alsacien de 90 ans résidant en Moselle. Celui-ci n’aurait pas fait partie de la compagnie présente à Oradour.
Hervé de Chalendar
Le procureur allemand Andreas Brendel (à gauche), hier à Strasbourg, au côté de Gérard Michel, secrétaire de l’Adeif 67.Photo L’Alsace/
http://www.lalsace.fr/bas-rhin/2016/06/30/le-procureur-allemand-andreas-brendel-a-l-adeif-67