Le 11 juin 2012 s’est tenue à l’Ecole Française d’Athènes une conférence donnée par Laetitia Marchand sur le thème des Malgré-Nous.
On trouvera ci-dessous le programme de cette conférence et le texte de Laetitia Marchand.
MUSIQUE D’OUVERTURE : arrangements au piano.
VIKA et LINDA « These Hands »
EIS BLUME « Für Immer »
SERGEI DUKACHEV « Vision Fugitive Op 22 n°4 »
VIDEO D’OUVERTURE : « LES MALGRE NOUS » de SOPHIE NAU.
PROGRAMME DE LA CONFERENCE :
INTRODUCTION
Ière PARTIE : DE L’ANNEXION A L’INCORPORATION.
1– Rappel historique : Spécificité géographique de l’Alsace et de la Moselle.
2– 1940 : Annexion de fait – Processus de germanisation et de nazification.
3– 1942 : L’incorporation de force.
IIème PARTIE : DES CAMPS DE CONCENTRATION A LA LIBERATION.
1– Désertion sur le front russe et camp de concentration.
2– Le sort des captifs Malgré nous après la guerre.
3– Le difficile retour après la guerre.
IIIème PARTIE : L’APRES GUERRE ET LA DIFFICILE HISTORICISATION.
1– Drame d’Oradour sur Glane – Procès de Bordeaux.
2– Une histoire refoulée.
3– Le temps des revendications.
CONCLUSION
LECTURE DU POEME « MALGRE NOUS » d’Emilienne CONREUX-HERBETH par Marie-Christine BOSSIS.
TEMOIGNAGE ENREGISTRE D’UN MALGRE NOUS : Monsieur Alfred BIACHE, présenté par sa fille Nataly et sa petite fille Rosanna.
EN OPTION DEGUSTATION DE MUSCAT D’ALSACE de la Cave Paul BLANCK.
Les « Malgré-nous » et l’honneur du soldat.
La malédiction qui pesait sur leur province
A jeté les Alsaciens dans les armées du « mal »
Ces armées qu’il aurait fallu combattre
Pour libérer leur pays, pour rétablir la paix
Le destin en avait décidé autrement
Sous la menace d’impitoyables représailles
On les a incorporés, malgré eux, dans les rangs honnis
Traînés au front, les armes à la main
Acteurs involontaires, obligés de défendre leur vie
Ils ont payé un lourd tribut
Ceux qui sont revenus du massacre
Sont rentrés meurtris et amers
Ils ont subi les vicissitudes de la guerre
Mais furent privés de l’honneur du soldat.
Pour des raisons politiques ils deviennent « Anciens Combattants »
Du bout des lèvres « Victimes de guerre »
Mais le cœur n’y était pas; pourtant un jour
Leur funeste saga s’inscrira pleinement
Dans l’Histoire de France.
Jean-Pierre APPRILL
ETUDE ET PRESENTATION – Laëtitia Marchand.
Laëtitia est membre de notre Amicale depuis novembre 2011 et travaille depuis un peu plus d’un an en VIE à Athènes au Groupe Crédit Agricole de la Banque Emporiki.
En 2007, elle est diplômée en « Histoire Contemporaine » Master I, mention « Bien », major de promotion à l’Université Paul Valéry III de Montpellier et en 2010, elle sera titulaire d’un Master II en « Carrières commerciales de la Banque/Assurance », mention « Bien » à l’Université d’Auvergne de Clermont Ferrand.
SYNCHRONISATION ET IMAGES ET SON – Michèle Leonidopoulos et Mireille Tsitsiris.
ASSISTANCE TECHNIQUE – Philippe Rotsetis.
DEGUSTATION – Muscat d’Alsace Paul Blanck.
Distribué par Betaplan, M. Takis Tavaniotis Tél. 2107250196.
REMERCIEMENTS
A la Direction de l’Ecole Française d’Athènes.
Au Mémorial de l’Alsace Moselle à Schirmeck (Bas-Rhin) pour la documentation.
A Mademoiselle Alice Fischer qui porte le costume du XIXème siècle du Pays de Hanau (Bas-Rhin).
Aux membres de l’Amicale des Alsaciens et Amis de l’Alsace en Grèce qui ont participé.
Ci-dessus : Michele Leonidopoulos, présidente de l’Amicale.
Les « Malgré Nous » : histoire de l’incorporation de force des Alsaciens-Mosellans dans l’armée allemande durant la seconde guerre mondiale, par Laetita Marchand
Introduction
Evènement globalement méconnu en France, à l’exception bien sûr de l’Alsace et de la Moselle, l’histoire des Malgré-nous constitue pour une large part au particularisme régional de ces trois départements.
Ces « Malgré-nous » représentèrent une véritable exception dans l’histoire de France du XXème siècle. L’enrôlement de force de Français en masse au sein d’unités étrangères constitua, en effet, un cas unique. Pourtant, l’intérêt pour cette histoire ne fut pas immédiat. Dès la fin du second conflit mondial, l’histoire des « Malgré-nous » se trouva entachée de vifs sentiments exacerbés et déchaîne, encore aujourd’hui, les passions.
L’expression même de « Malgré-nous » ne peut qu’éveiller la curiosité. Celle-ci a évolué au cours des temps et a désigné des groupes différents. Son origine remonterait à 1872. L’Alsace et la Lorraine étaient alors annexées de droit au Reich depuis 1871. Et les Alsaciens-Mosellans se devaient d’effectuer leur service militaire dans l’armée allemande. Ils se désignaient alors comme des Müss Preusse, des « Prussiens malgré-eux ». Au cours de la Première Guerre mondiale, 380 000 Alsaciens et Mosellans furent mobilisés dans l’armée allemande. A la suite de cette guerre sanglante, durant laquelle l’Alsace et la Moselle virent périr 50 000 des siens, les trois départements réintégrèrent l’espace français. En 1919, l’association dite des « Malgré-nous » est créée en Moselle, sous l’impulsion d’André Bellard ancien combattant dans l’armée française qui s’intéressait vivement à ces Mosellans, incorporés et ayant combattu à leur corps défendant sous le drapeau allemand durant la guerre 1914–1918. L’expression « Malgré-nous » ne désignait donc, initialement, que les Mosellans ayant combattu dans l’armée allemande et non pas les Alsaciens. Ce n’est que par la suite, au cours du second conflit mondial, que l’expression s’étendit à ces derniers.
Quant à l’expression « Incorporés de force », ce n’est qu’à la fin de la guerre 1939–1945 que cette dernière fut utilisée. C’est, en effet, sous ce vocable que le gouvernement désigna désormais les « Malgré-nous » enrôlés de force durant la Seconde Guerre mondiale. Cette expression possède donc une connotation plus officielle. Celle de « Malgré-nous » a cependant pris une extension plus large au sein de l’opinion.
Depuis quelques années déjà, et ceci grâce à la résurgence de sources historiques, l’histoire des « Malgré-nous » tend à se réapproprier progressivement la place qui lui est due dans l’histoire de la seconde guerre mondiale.
La conférence d’aujourd’hui vise donc à présenter l’histoire de ces « Malgré-nous », depuis leur incorporation forcée en 1942 jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale.
I/ Première Partie : De l’annexion à l’incorporation
1. Rappel historique : spécificité géographique de l’Alsace et de la Moselle
Support visuel : Cartes historiques 1871–1919–1940–1944
Ces deux régions frontalières constituèrent un enjeu territorial capital disputé par la France et l’Allemagne, et ce depuis 1871. Ce fut, en effet, la victoire allemande qui créa la question de l’Alsace. Au total, les Alsaciens-Mosellans changèrent quatre fois de nationalité en l’espace de …75 ans ! Ainsi, nés Français sous le Second empire, ils devinrent allemands en 1871, puis à nouveau Français en 1919, Allemands en 1940 et enfin, définitivement Français à la Libération, en 1944. Les habitants des trois départements ne furent jamais consultés sur ces changements de nationalités qui s’accompagnèrent chaque fois de souffrances, de drames, de sentiments d’abandon… et inévitablement d’incompréhension.
L’histoire de l’Alsace et de la Moselle ressemble finalement à toutes ces populations frontalières déchirées entre deux patries, contraintes d’abandonner une culture au profit de l’autre, sans jamais pouvoir concilier les deux, selon l’évolution contextuelle. Les « Malgré-nous » en sont le symbole le plus fort même si l’incorporation de force demeure un phénomène globalement peu connu hors de l’Alsace et de la Moselle.
2. 1940 : annexion de fait/processus de germanisation et de nazification
Le 1 er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne. Aussitôt, la France mobilise ses troupes. L’évacuation totale de la zone frontalière d’Alsace et de Moselle sur une dizaine de kilomètres de profondeur est ordonnée. Plus de 600 000 Alsaciens et Mosellans sont contraints de partir, en emportant le strict minimum, laissant derrière eux maisons et biens. Ils sont dirigés vers des départements d’accueil comme la Charente, la Vienne, la Dordogne … Cet exode durera jusqu’à juillet 1940, date à laquelle les évacués sont rapatriés par les autorités allemandes.
La convention d’armistice de 1940 ne précise dans aucune de ses clauses, le sort qui serait réservé à l’Alsace et à la Moselle. Pourtant, les Allemands occupent sans tarder les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et dès juillet 1940, la frontière de Francfort est rétablie. L’Alsace est rattachée au Pays de Bade et la Moselle au Gau de Sarre-Palatinat. Les deux régions sont dirigées par les Gauleiter Wagner (Alsace) et Bürckel (Moselle), dotés des pleins pouvoirs.
Très vite, ils organisent le retour des populations évacuées. Mais tous ne rentrent pas. Certains préfèrent rester en France, d’autres jugés indésirables, sont refoulés à la frontière. On estime à environ 207 000, le nombre des alsaciens et mosellans non rentrés en 1940. Parallèlement, les allemands libèrent les prisonniers de guerre originaires de ces régions.
La germanisation intervient dans tous les domaines de la vie quotidienne : il est interdit de parler français, la presse française mais aussi la monnaie et les timbres français disparaissent. Dès juillet, on germanise les enseignes des magasins et les plaques de rue, mais aussi les noms de villes et villages, les noms et prénoms, on déboulonne les statues françaises, on germanise les monuments aux morts, on supprime les associations, l’évêché de Strasbourg et de Metz, on épure les bibliothèques des ouvrages français…Toute trace française doit disparaître.
Cette germanisation passe également par l’expulsion pure et simple de tous les indésirables et de tous les éléments jugés « non germanisables » : juifs, nord-africains, asiatiques, naturalisés français puis plus largement francophiles et francophones. La Moselle perdit alors plus de 100 000 habitants et l’Alsace 35 000.
Mais les Gauleiter souhaitent davantage qu’une intégration administrative et économique des provinces au Reich. Leur but est de faire de l’Alsace et de la Moselle des territoires nazis. Aussi, le parti s’implante et les organisations quadrillent l’espace social et politique. L’appareil répressif et policier se met en place dans les territoires annexés.
La population toute entière se trouve enserrée dans le maillage nazi. Les organisations de masse embrigadent la population par âge, sexe et profession. L’enseignement, la culture, l’église ou les loisirs sont aux mains des autorités nazies.
3. 1942 : L’incorporation de force
Aucun traité de paix, à la suite de l’armistice du 22 juin 1940, n’avait réglé la question de l’appartenance de l’Alsace et la Moselle. Par conséquent, en droit international, ces trois départements de l’Est continuaient de faire partie intégrante de la France. De ce fait, il était donc juridiquement impossible d’incorporer les Alsaciens et les Mosellans dans l’armée allemande. De surcroît, après l’introduction du Reichsarbeitsdienst (RAD service du travail du Reich, qui était en fait une préparation militaire obligatoire pour les jeunes filles et garçons) en avril 1941, la population assiste à l’introduction tant redoutée du service militaire obligatoire.
Les décrets du 19 août 1942 pour la Moselle et du 25 août pour l’Alsace contraignent désormais les jeunes alsaciens et mosellans à être incorporés dans l’armée Allemande. Mais préalablement, les Gauleiter doivent régler la question de la nationalité des conscrits. En Alsace, le 23 août, paraît une ordonnance qui octroie la nationalité allemande à certains alsaciens (ceux qui avaient été appelés à faire leur service militaire et ceux qui furent reconnus comme allemands), et en Moselle, Bürckel accorde la nationalité allemande à 98% des lorrains de souche rendant ainsi applicable l’ordonnance sur le service militaire obligatoire.
Dès les premiers jours, des incidents ont lieu : les conscrits ne se rendent pas aux conseils de révision ou s’y rendent mais en chantant la Marseillaise… La répression se durcit : les réfractaires sont arrêtés et leurs familles, transplantées dans le Reich (environ 10 000 mosellans et 3500 Alsaciens transplantés).
Au total, 21 classes d’âge représentant 100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans seront incorporées de force. La grande majorité sera envoyée sur le front russe, mais on trouvera aussi des incorporés de force dans les Balkans ou en Italie. En Alsace, certains hommes mobilisés entre février et mai 1944 ne seront pas incorporés dans la Wehrmacht mais dans les Waffen SS (environ 2000)
Il y eut également des Malgré-elles parmi les femmes originaires d’Alsace et de Moselle qui, à l’instar des Malgré-nous, ont été enrôlées de force dans différentes structures nazies durant la période de 1942 à 1945 : dans le RAD (Reichsarbeitsdienst ou service national du travail), dans le KHD (Kriegshilfsdienst ou service auxiliaire de guerre pour les femmes) et dans l’armée régulière allemande, la Wehrmacht. Celles-ci furent également envoyées en Allemagne pour remplacer les hommes aux champs, à l’usine, dans les administrations, mais aussi dans la défense antiaérienne. Leur histoire a longtemps été oubliée. De 1942 à 1945, elles ont été plus de 15 000 à partir, âgées de 17 à 20 ans, disséminées un peu partout dans le Reich. Elles furent parquées dans des baraquements de bois, en pleine montagne. Les cheftaines y faisaient régner une discipline de fer. Toute la journée, les filles travaillaient durement dans des fermes pour remplacer la main-d’œuvre masculine partie à la guerre. Le soir, elles assistaient à des cours de « rééducation politique »: on leur apprenait la biographie d’Hitler, on leur projetait des films de propagande… L’objectif était clair: nazifier cette jeunesse alsacienne et mosellane. Ce fut également le cas de nombreuses femmes originaires de Belgique (cantons de l’Est et Pays d’Arlon) et du Luxembourg. Leur situation a été longtemps ignorée et ce n’est que le 17 juillet 2008 qu’un accord d’indemnisation a été conclu entre le secrétaire d’État aux Anciens Combattants et le président de la Fondation entente franco-allemande, gérante des fonds versés par les autorités allemandes, au titre de dédommagement moral aux Malgré-nous.
Sur les 130 000 Mosellans et Alsaciens incorporés de force dans l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, 15 000 environ ont servi dans la Kriegsmarine, vivant les épisodes épiques et tragiques des combats sur mer et sous mer.
II/ Deuxième Partie : Des camps de concentration à la Libération
1. Désertion sur le front russe et camp de concentration
Parmi les Français Alsaciens-Mosellans en uniforme vert-de-gris, certains réussirent à s’évader vers les lignes russes ; ceux-ci, comme la plupart des autres prisonniers de guerre de l’Armée Rouge, connurent chez les « alliés » une singulière captivité dans les camps du Goulag soviétique. Les Soviétiques n’avaient, dans leur grande majorité, pas connaissance du drame de ces Alsaciens et Lorrains. Beaucoup furent donc considérés comme des déserteurs ou des espions et donc fusillés, victimes d’une double méprise. Les autres ont été déportés au camp de Tambov après un passage dans les mines de charbon de Karaganda. Celui-ci regroupa une grande partie des prisonniers d’Alsace et Moselle, soit environ 18000 hommes. Les Malgré nous subirent le sort de tous les prisonniers de la Wehrmacht, avec des conditions de vie très dures, un taux de mortalité élevé et des campagnes de rééducation antifasciste. À Tambov, les conditions de détention sont effroyables. Les prisonniers y survivent dans une effarante promiscuité et dans une hygiène déplorable, à l’abri de baraques creusées à même le sol pour mieux résister au terrible hiver russe où la température descend en dessous de –30 °C. Un peu de soupe claire et environ 600 grammes de pain noir, presque immangeable, constituent la ration journalière. On estime qu’environ un homme sur deux mourait à Tambov après une durée moyenne d’internement inférieure à quatre mois.
Libérés en grande majorité durant l’automne 1945, une partie des « malgré-nous » passe pourtant plusieurs années supplémentaires en captivité. Accusés de crimes de guerre par les Soviétiques, ils se sentent trahis par la France Libre, et utilisés comme monnaie d’échange dans les négociations diplomatiques. Certains iront jusqu’à évoquer l’intervention de dirigeants communistes français afin de retarder leur retour, tant le témoignage de leur expérience ternirait l’image de l’Union soviétique.
Sur le front occidental, certains se rendirent à l’armée américaine après avoir déserté, pensant se rendre aux libérateurs de la France. Ils déchantèrent rapidement en comprenant qu’ils étaient considérés non comme des insoumis mais comme des déserteurs de l’armée allemande. Ils furent envoyés dans des camps dans l’ouest de la France, aux côtés de prisonniers allemands qui ne cachaient pas leur mépris pour ces traîtres à la patrie. A l’humiliation de la double défaite, celle de la France de 1940 et celle de l’Allemagne de 1944, s’ajoutait l’humiliation de la double trahison supposée, celle de la France de de Gaulle et celle de l’Allemagne de Hitler.
2. Le sort des captifs malgré nous après la guerre
La guerre finie, débute la lente et difficile procédure de rapatriement. Malgré l’accord franco-soviétique signé en 1945 et l’envoi d’une mission française à Moscou, les blocages se multiplient, qu’ils soient liés à la complexité du dossier pour les Soviétiques (comment trier les Alsaciens-Lorrains des Allemands, les « Malgré-Nous » des collaborateurs ?), à la rétention d’informations, aux réticences à se séparer d’une utile main d’œuvre quasi gratuite, ou aux enjeux diplomatiques. Moscou exige en effet le rapatriement réciproque des citoyens soviétiques (mais bien souvent émigrés « blancs » ou originaires de territoires récemment annexés par l’URSS, baltes et polonais notamment) qui se trouvent en France ou dans la zone française d’Occupation en Allemagne et en Autriche, et qui, s’appuyant sur une résolution de l’ONU, refusent ce retour forcé. D’autre part, à la Libération, le Général de Gaulle n’intervient que mollement en leur faveur, ne voulant mécontenter ni les communistes français très puissants, ni Staline avec qui il envisage certaines alliances politiques.
Un nombre indéfini de jeunes Alsaciens-Mosellans ne revinrent jamais dans leurs foyers. Ainsi, le sort de beaucoup d’entre eux resta un mystère. En effet, la captivité des « Malgré-nous » en URSS, au cours et à la fin du second conflit mondial, constitua, jusque dans les années 1990, un pan relativement mal connu de l’histoire du dernier demi-siècle, sinon dans les trois départements de l’Est, où elle stigmatisait le destin particulier, douloureux et toujours très vifs dans les mémoires de ces générations d’hommes, qui après avoir subi le joug de l’occupant nazi, firent la cruelle expérience de la détention dans les camps staliniens. Or, maintes fois, la question de l’existence de dossiers détenus à Tambov avait été posée. Et ce n’est qu’à partir des années 1990, que des réponses furent apportées. Avec la dislocation du bloc soviétique, en 1991, naquît l’espoir d’un regard nouveau sur la question de l’incorporation de force. Progressivement, les archives soviétiques s’ouvrirent au monde occidental.
Officiellement, le dernier malgré-nous libéré fut Jean-Jacques Remetter en 1955. Mais selon les archives militaires russes, la dernière amnistie pour crimes de guerre en URSS date de juin 1953. Par cette amnistie ont été libérés 23 Français condamnés par les tribunaux soviétiques mais 5 ne l’ont pas été vu la gravité de leur crime et sont restés en URSS jusqu’à 1961. Jean-Jacques Remetter ne fut donc pas le dernier Français libéré par les soviétiques.
3. Le difficile retour après la guerre
Très vite, les scènes de liesse de la Libération firent place à l’épuration, aux procès et aux internements administratifs. Il est certain qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France se trouva plongée dans les règlements de compte. La « chasse » aux collaborateurs était lancée. Ce contexte violent entraîna un climat de suspicions. Celui-ci fut d’autant plus aggravé en Alsace et en Moselle. Car la question était de savoir qui avait été volontaire et qui ne l’avait pas été. Dans cette ambiance, tendue, malsaine, les « Malgré-nous » n’osèrent donc pas se faire identifier de peur d’être assimilés à des collaborateurs, à des traîtres. La crainte était donc pour ces Incorporés de force, d’être confondus avec la Légion des Volontaires Français (LVF). La majorité des Alsaciens adhéra, contrainte et forcée, aux diverses associations nazies ou prêta serment de fidélité au Führer. Il le fallait pour pouvoir vivre au quotidien, poursuivre des études, ne pas perdre son travail, ne pas paraître suspect aux yeux du parti ou éviter d’être dénoncé par un fanatique nazi. Tout était obligation, tout était sanction. Les camps de Schirmeck et du Struthof, les transplantations de familles entières, la Gestapo, les arrestations et les exécutions rappelaient aux Alsaciens et Mosellans que les nazis avaient les moyens de les contraindre à se soumettre ou, du moins, à « participer ».
Ci-dessus : La conférencière Laetitia Marchand.
III/ Troisième Partie : l’après guerre et la difficile historicisation
1. Procès de Bordeaux/drame d’Oradour sur Glane
Un événement horrible se produisit, traumatisant les esprits et devenant pour toujours le symbole de la barbarie nazie. En effet, parmi tous les crimes nazis de la Seconde Guerre mondiale, le massacre de six cent quarante-deux hommes, femmes et enfants à Oradour-sur-Glane par des soldats de la SS, fut certainement l’un des plus connus au monde. Le 10 juin 1944, quelques jours seulement après le débarquement des alliés, dans l’après-midi, les SS encerclèrent le bourg d’Oradour, situé dans les collines du Limousin. Ils rassemblèrent les habitants sur le champ de foire, puis séparèrent les hommes des femmes et des enfants. Les hommes furent conduits dans les granges avoisinantes, alignés et fusillés. Les femmes et les enfants furent enfermés dans l’église qui fut incendiée ainsi que le reste du bourg. Les habitants, qui étaient absents ce jour-là ou qui avaient échappé à l’encerclement, retrouvèrent une scène d’horreur, de carnage et de dévastation.
En quoi ce drame est-il lié à l’histoire des « Malgré-nous » ? Une enquête révéla que 14 Alsaciens qui appartenaient à la 3ème Compagnie du régiment Der Führer, de la division Das Reich, faisaient partie des coupables. Plus de huit ans après le massacre, au début de l’année 1953, le procès attendu des 21 soldats ayant participé au massacre d’Oradour commença devant le tribunal militaire de Bordeaux. Ce procès bouleversa profondément les esprits. Lorsqu’il débuta, le gouvernement pensait, depuis la fin de la guerre, à réconcilier les Français en effaçant les traces de collaboration de nombreux citoyens. Or, ce procès mit à jour les divisions passées et rendit difficile la réconciliation nationale. Le procès de Bordeaux se déroula dans un climat difficile. La découverte de Français parmi les auteurs du crime provoqua l’indignation, l’incompréhension et la colère. La plupart des Français n’était pas au courant de l’incorporation de force et lors du procès, celle-ci se révéla sous sa forme la plus abjecte : à travers le drame d’Oradour. Le fait qu’il y ait eu des « Malgré-nous » rendit difficile, presque impossible, la cause qu’ils défendaient, à savoir d’être reconnus en tant que victimes. La question qui déchaîna les esprits fut de savoir s’il fallait juger ces Alsaciens au même titre que les Allemands. Devait-on faire la distinction entre « volontaires » (à savoir les Allemands et l’Alsacien) et « Incorporés
de force » ? Le débat dépassa très vite les frontières de la justice. Dès avant le procès, une loi fut votée le 15 septembre 1948. Celle-ci modifiant et complétant l’ordonnance relative à la répression des crimes de guerre introduisit la notion de responsabilité collective de tous ceux qui faisaient partie d’une formation ayant accompli un crime de guerre. Il s’agissait là d’une loi inique qui violait deux principes fondamentaux du droit français : elle était rétroactive et obligeait l’accusé à prouver son innocence, ce qui était tout à fait inacceptable pour les Alsaciens. Ainsi, les leurs étaient traités de la même façon que les nazis, ces mêmes nazis qui les avaient forcés quelques années auparavant à revêtir l’uniforme allemand. Certes, cette loi fut vite abrogée mais il n’empêche que le procès suscita un « drame national » : l’affrontement de deux mémoires. Le procès de Bordeaux fut l’occasion d’un affrontement entre deux régions françaises et deux mémoires régionales de la guerre différentes. Les Limousins ne voulaient rien savoir de la situation des Alsaciens, durant la guerre, et n’étaient guère prêts à faire la distinction Alsaciens-Allemands. Lorsque le procès débuta, des députés alsaciens et des associations prirent immédiatement la défense des « Malgré-nous » inculpés et plaidèrent la cause de l’Alsace et sa situation particulière pendant la guerre.
Au nom de l’unité nationale, le tribunal trancha. Après avoir condamné les accusés alsaciens à des peines de 5 à 12 ans, celles-ci furent commuées en amnistie. Pour parvenir à un verdict, les juges durent, en effet, faire le choix entre reconnaître les « Malgré-nous » et respecter la peine des familles d’Oradour et le désir de vengeance du Limousin. En accordant l’amnistie des alsaciens, elle choisissait le pardon dans l’intérêt de la communauté nationale. Cette amnistie provoqua un tollé tant du côté alsacien que du côté limousin. Pour les uns, l’amnistie était trop légère, pour les autres, elle était inadmissible. Seule une réhabilitation aurait pu satisfaire l’opinion publique alsacienne indignée devant l’incompréhension manifestée par la plupart des Français face au problème des « Malgré-nous ».
Ci-dessus : Alice Fischer dans le costume traditionnel du pays de Hanau (Vosges du Nord, Bas-Rhin)
2. Une histoire refoulée
Dans la période post-seconde guerre mondiale, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) était considérée par la plus grande partie de l’opinion nationale comme une alliée. Le seul ennemi de la démocratie, c’était le nazisme. Or, lorsqu’à leur retour, les Incorporés de force tentèrent de raconter les horreurs commises par l’armée rouge dans les camps de concentration soviétiques, personne ne voulut les écouter. La suspicion à leur égard était beaucoup trop grande. Après tout, n’avaient-ils pas porté l’uniforme allemand ? D’ailleurs, lorsqu’à leur retour, ils furent interrogés à Chalon-sur-Saône et qu’ils racontèrent leurs épouvantables conditions d’internement, et les efforts des Soviétiques pour former parmi eux des espions, ils ne furent pas pris au sérieux. Cette suspicion perpétuelle à leur égard finit par les faire taire. Puisqu’on ne les croyait pas, à quoi servait- il qu’on raconte ce que l’on a vécu ? D’autant plus qu’avant d’être libérés des camps, les Soviétiques les avaient menacés. On stigmatisa les « Malgré-nous » à l’état de traître.
L’opinion publique culpabilisait les Incorporés de force : pourquoi vous êtes vous laissés faire passivement ? Qu’avez-vous fait pour être encore en vie ? Certains d’entre eux allaient même jusqu’à leur reprocher d’avoir mis en danger les leurs et les accuser d’avoir obéi à des objectifs intéressés.
Ce climat de suspicions aboutit irrémédiablement à la marginalisation des « Malgré-nous » qui se sentaient incompris. La majeure partie des « Français de l’Intérieur » ignorait tout de l’incorporation de force. En effet, la population ne réalisait peut-être pas ce que sous-tendait une annexion. Eux, avaient connu une occupation en 1940, les Alsaciens et les Mosellans, une annexion de fait. Les « Français de l’Intérieur » devaient plus ou moins composer avec l’ordre nazi en place. Mais, les Alsaciens-Mosellans subissaient, eux, le totalitarisme nazi. Il y avait donc une différence de taille. Mais, il est certain qu’après la guerre, il était difficile de se faire une idée de ce qu’était une annexion. Cela étant, il est aisé de comprendre que l’ignorance et les soupçons éprouvés par la majeure partie des Français contribua à laisser germer des ressentiments et des sentiments d’incompréhension chez les « Malgré-nous ». Ces derniers estimaient avoir été abandonnés par la France.
Un climat de tensions s’installa également dans les trois départements de l’Est. Désormais, entre ceux qui avaient refusé de rentrer en 1940 et ceux qui s’étaient plus ou moins bien accommodés de la présence nazie, entre ceux qui avaient résisté sous quelque forme que ce fut et ceux qui avaient tiré profit de l’Occupation, un fossé s’était légitimement creusé.
Tous ces facteurs encouragèrent fortement les « Malgré-nous » à se faire oublier, à oublier ce qu’ils avaient vécu, à nier leur histoire. Dans la période qui suit la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de « Malgré-nous » – mais cela concerne aussi d’autres victimes de la guerre (rescapés du génocide juif, par exemple) – demeurèrent persuadés que leur expérience était intransmissible. Ils ne firent donc aucun effort conscient pour réanimer leur souvenir. Et d’autres, pensèrent que leur histoire n’intéressait personne et surtout pas les jeunes. Les Incorporés de force pensaient que leur génération de sacrifiés allaient finalement disparaître progressivement dans l’incompréhension totale et dans l’indifférence.
3. le temps des revendications
Les années 1970–1990 ouvrent un contexte particulièrement favorable à l’histoire des « Malgré-nous ». En effet, depuis les années 1950 et l’adoption du traité de Rome en 1957, instituant la Communauté Européenne et donc le rapprochement de la France et de l’Allemagne, les Incorporés de force ont le sentiment d’avoir un nouveau rôle à jouer. L’Alsace et la Moselle trouvent enfin une place entre ces deux pays. La construction européenne a ainsi encouragé les actions d’associations d’Incorporés de force, l’émergence d’écrits de « Malgré nous » et d’historiens s’intéressant à la question de l’incorporation de force. De surcroît, il semblerait qu’un certain nombre de survivants dont la plaie s’est ravivée avec l’âge, revivent dans leurs cauchemars les épisodes les plus significatifs de leur enrôlement ou captivité, avec tous les détails, alors qu’ils sont incapables de se rappeler des éléments de leur vécu récent. La souffrance conduisait donc au besoin de dire, d’extérioriser celle-ci, de faire connaître le sacrifice. Ils entendaient briser la chape de silence qui avait prévalu pendant longtemps et entendaient s’emparer d’une parole que d’autres avaient confisquée. Il y a donc une réappropriation significative de la mémoire.
Conclusion
L’Alsace et la Moselle occupées ont fourni 1 % du contingent total des forces armées allemandes, soit 130 000 hommes, dont 100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans. Parmi les 130 000 hommes qui furent appelés par le Troisième Reich, 30 % furent tués ou portés disparus, 30 000 blessés et 10 000 invalides. Cet enrôlement de force constitua incontestablement un crime de guerre de grande envergure. Au procès de Nuremberg, lors du réquisitoire français, Edgar Faure classa l’enrôlement forcé des soldats parmi les habitants des territoires occupés dans la catégorie des crimes contre la condition humaine. Pratiquement toutes les familles furent concernées par ce drame de conscience qui laissa des séquelles profondes dans la mémoire collective alsacienne-mosellane. Ceux qui en furent victimes, les « Malgré nous », se sont considérés comme incompris, abandonnés du reste de la nation.
Depuis 1945, les Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l’armée allemande bénéficient des mêmes droits que les combattants ayant servi dans les formations de l’armée française durant la Seconde Guerre mondiale: À la suite d’un accord signé entre le Chancelier Adenauer et le président Charles de Gaulle, les malgré-nous qui étaient jusqu’à ce moment en droit militaire considérés comme déserteurs ne le sont plus et le temps de service passé dans l’armée allemande est considéré comme étant effectué dans l’armée française. Les blessés reçoivent une pension du gouvernement allemand ainsi que les veuves de morts au combat. Le problème des unités non combattantes (Police Militaire de Campagne, groupe de Batterie DCA, compagnie service de place) reste ouvert car la législation allemande n’est pas identique à la française.
La question des « Malgré-nous » constitue indéniablement une histoire en devenir. Etudier ce sujet complexe n’est pas vain, il permettra de mieux comprendre la particularité de ces populations frontalières prises entre deux patries. Depuis plusieurs années maintenant, les « Malgré-nous » prétendent à l’unicité de leur histoire. Ils ressentent le besoin d’être restaurés dans leur propre estime. Ainsi, toujours dans cette lutte, vieille de plus de cinquante ans, les « Malgré-nous » par l’intermédiaire de Maître Richard Lux – un des défenseurs, en 1953, des Français incorporés de force dans la Waffen-SS présents lors du drame du 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane – ont adressé une requête au Garde des Sceaux afin que soit engagée la procédure de révision du jugement rendu le 13 février 1953, qu’il estime « contraire au Droit et à la notion de Justice ».
Encore aujourd’hui, tous les documents ne sont pas publiés, les archives pas toutes accessibles et de nouvelles informations remettront sans doute en question ce que des historiens ont affirmé. Mais c’est ce qui fait que l’histoire est toujours aussi dynamique. L’histoire des « Malgré-nous » offre des développements prometteurs.
[Ci-dessous l’article que Michèle Leonidopoulos a envoyé à l’UIA (Union Internationale des Alsaciens) pour le prochain bulletin->]
« L’Amicale des Alsaciens et Amis de l’Alsace en Grèce a présenté un sujet historique et émouvant : « les Malgré-nous », le lundi 11 juin 2012 à l’ Ecole Française d’Athènes. Lætitia Marchand, membre de notre amicale, dans une approche complète et précise, nous a fait partager son mémoire de Master d’Histoire Contemporaine.Un diaporama crée à partir de documents prêtés par le Mémorial de l’Alsace Moselle à Schirmeck ainsi que des vidéos de l’Institut National de l’Audiovisuel accompagnait cette minutieuse étude. Marie-Christine Bossis, amicalienne également et poète, nous a offert ses talents en nous lisant le poème « Les Malgré-nous » d’ Emilienne Conreux-Herbeth. Le témoignage poignant d’un Malgré-nous, Monsieur Albert Biache fut présenté par sa fille Nataly et ses deux petites-filles Coline et Rosana. Dans cette interview, nous avons ressenti cette expérience douloureuse. De nombreux participants français découvraient ce volet de l’histoire. Notre joli mannequin Alice Fischer portait à merveille notre nouveau costume du 19ème siècle du Pays de Hanau. Pour clore la soirée, nous avions choisi d’offrir un frais Muscat de la cave Paul Blanck.
Cette conférence marque le début d’un nouveau cycle de conférences dans notre amicale : « L’Histoire de l’Alsace ».
Nous avons, grâce à cette présentation, retrouvé une Alsacienne dans la ville d’Agrinio qui nous a livré l’histoire saisissante de son oncle, ancien Malgré-nous évadé de l’armée allemande et caché par un ami grec (Monsieur Koutsogiannopoulos qui s’est marié ensuite avec la sœur de l’ami sauve et a sa demande). Je porte très haut cette amitié hellino-alsacienne issue d’une épreuve aussi exécrable que celle vécue par ces Incorporés de Force.
Michèle Leonidopoulos (Présidente)
Ci-dessus : Marie-Christine Bossis lisant le poème « Malgré-Nous ».
Le destin de Jean-Baptiste Mistler, de Russ (Bas-Rhin), a également été évoqué
L’oncle d’une des adhérentes de l’Amicale, Yolande Spathoulas, de la petite ville d’Agrinion (ouest de la Grèce) était un Malgre-Nous. Il s’apellait Jean-Baptiste Mistler, de Russ-Schirmeck. il a déserté à Agrinion en 1943, a été caché par un ami grec, Christos Koutsogiannopoulos, qui a été dénoncé. Jean a réussi à se sauver dans la proche forêt où il est tombe malade et est décédé, par manque de soins et de médecin, le 11 decembre ; il est enterré à Agrinion. Son ami grec, Christos, a du se cacher, a réussi à changer de nom et à quitter Agrinion. Jean-Baptiste a laissé une lettre pour Christos lui demandant d’apporter ses affaires à sa famille à Russ et de marier sa petite sœur Josephine « pour qu’ils restent frères » . Ce qui a été fait en 1950. Christos est décédé en 1982, Joséphine en 1997.
La famille de Jean-Baptiste a été déportée.
Cette histoire est relatée dans un livre I TAXI MOU KAI ALLES ISTORIES(Ma classe et d’autres histoires) de Giorgos I. Kokosoula (paru en 2001), 86 ans aujourd’hui. Voir aussi :
Ci-dessus : Nataly Biache-Geoffroy, fille d’un Malgré-Nous alors âgé de 16 ans.