Où l’Ar­mée rouge a-t-elle combattu les nazis après la capi­tu­la­tion?

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Un article de Boris EGOROV paru le 10.5.2020 sur le site Russia Beyond : https://fr.rbth.com/histoire/84678-armee-rouge-combats-nazis. Pour les illus­tra­tions et les liens vers d’autres articles, nous invi­tons le lecteur à se rendre sur le site Russia Beyond.

Lorsque les troupes sovié­tiques ont pris d’as­saut Berlin, une partie du terri­toire de l’Union sovié­tique était encore occu­pée par les Alle­mands.

« Notre régi­ment a combattu dans les montagnes tchèques pendant encore cinq jours après l’an­nonce de la capi­tu­la­tion de l’Al­le­magne nazie. Et plusieurs gars sont morts dans les batailles après la victoi­re… », a rappelé l’adju­dant du 1433e régi­ment d’ar­tille­rie auto­nome de Novgo­rod, Vladi­mir Vostrov. Au total, plusieurs milliers de soldats de l’Ar­mée rouge ont donné leur vie après la fin offi­cielle de la guerre en Europe.

Qu’est-ce qui a poussé les Alle­mands à conti­nuer à se battre alors que tout était fini ? Tout d’abord, leur démarche était liée à la peur de la vengeance russe. Elle les a forcés à se frayer un chemin vers l’ouest avec un seul objec­tif : se rendre aux Britan­niques ou aux Améri­cains.

Born­holm

Au lende­main de la capi­tu­la­tion de l’Al­le­magne, entrée en vigueur le 8 mai, envi­ron deux cents soldats sovié­tiques ont débarqué sur l’île danoise de Born­holm, occu­pée par une garni­son alle­mande de plus de 11 000 soldats. Les Alle­mands ont immé­dia­te­ment déclaré qu’ils ne se rendraient qu’aux alliés occi­den­taux, et que les Russes feraient mieux de mieux quit­ter l’île, sans quoi ils seraient anéan­tis.

En réponse, les para­chu­tistes ont occupé le port et le télé­graphe à l’is­sue de combats, coupant les câbles de commu­ni­ca­tion, et un ulti­ma­tum a été lancé au comman­dant de la garni­son, le géné­ral Rolf Woot­mann – en cas de refus de dépo­ser les armes, l’avia­tion sovié­tique lance­rait des frappes massives sur l’île. Quelques heures plus tard, les Alle­mands se rendaient. La libé­ra­tion de Born­holm a coûté la vie à trente soldats sovié­tiques.

Le même jour, le 9 mai, des combats aériens et mari­times ont eu lieu près de l’île – des convois alle­mands cher­chaient à percer vers l’ouest. Au total, dix navires ont été coulés et 16 avions enne­mis ont été abat­tus.

Prague

« Notre débarque­ment à Prague n’était pas une prome­nade de santé. Toutes les routes étaient minées, les Alle­mands nous pilon­nant constam­ment de tous les côtés », se souvient le lieu­te­nant Ivan Maslov, comman­dant du pelo­ton de chars de la 52e brigade de blin­dés de la Garde. La Bohême, où les restes des troupes alle­mandes se rassem­blaient, devait deve­nir le « deuxième Berlin » selon le plan du maré­chal Ferdi­nand Schör­ner. La tâche des Alle­mands était de tenir le plus long­temps possible et, après avoir repoussé l’of­fen­sive de l’Ar­mée rouge, de se rendre aux alliés occi­den­taux qui appro­chaient.

Les combats pour la capi­tale tchèque ont commencé le 5 mai, mais se sont pour­sui­vis sans la parti­ci­pa­tion de l’Ar­mée rouge. Les habi­tants de Prague se sont soule­vés contre la garni­son alle­mande, rejoints par la 1ère divi­sion d’in­fan­te­rie de l’Ar­mée de libé­ra­tion russe (ROA, égale­ment appe­lée « Armée Vlas­sov »), une force de colla­bo­ra­tion avec l’Al­le­magne nazie qui cher­chait ainsi à obte­nir l’in­dul­gence des vainqueurs.

Lorsque les troupes du 1er Front ukrai­nien se sont appro­chées de la ville le 8 mai, les soldats de la ROA ont quitté leurs posi­tions et se sont préci­pi­tés vers l’ouest en direc­tion des troupes améri­caines. Avec eux battaient en retraite la majo­rité des unités alle­mandes contre lesquelles les colla­bo­ra­teurs s’étaient battus au cours des derniers jours. Des unités de la Wehr­macht, ainsi que des unités des divi­sions SS Wallen­stein, Das Reich et Viking, ont été main­te­nues pour défendre Prague contre l’Ar­mée rouge.

Les combats pour la capi­tale de la Tché­co­slo­vaquie ont duré du petit matin jusqu’à quatre heures de l’après-midi le 9 mai, jusqu’à ce que l’en­nemi ne dépose les armes. Les données sur les pertes de l’Ar­mée rouge varient consi­dé­ra­ble­ment : de plus d’un millier de personnes selon la version sovié­tique (russe) à seule­ment une dizaine de soldats selon des sources tchèques.

Après avoir libéré la ville, les troupes sovié­tiques ont avancé vers l’ouest, établis­sant avant le 11 mai au soir une ligne de contact avec les troupes améri­caines. Le même jour, près du village de Slivice, des parties de l’Ar­mée rouge et des parti­sans tché­co­slo­vaques, appuyés par les tirs de la 3e Armée améri­caine, ont lancé une attaque contre la dernière forma­tion des forces armées alle­mandes en Europe centrale – le groupe de 7.000 hommes du grup­penfüh­rer SS Karl Frie­drich von Pück­ler-Burghauss, qui compre­nait des vestiges des divi­sions SS Wallen­stein et Das Reich.

À la suite d’une jour­née de combats, les Alle­mands ont perdu plus d’un millier de soldats (les pertes de l’Ar­mée rouge et des parti­sans se sont élevées à envi­ron 70 personnes). 6.000 Alle­mands ont été faits prison­niers et leur comman­dant, ayant signé la reddi­tion de ses troupes, a retourné son arme contre lui.

Cour­lande

À la mi-octobre 1944, lors de l’of­fen­sive à grande échelle de l’Ar­mée rouge dans la Baltique, le Groupe d’ar­mées Nord est isolé et encer­clé à Cour­lande (ouest de la Letto­nie). Envi­ron quatre cent mille soldats alle­mands sont enfer­més dans ce qui serait nommé la « poche de Cour­lande », qui en Union sovié­tique a reçu le nom ironique de « camp de prison­niers de guerre armés ».

Ce n’était pas une « poche » à part entière. Les Alle­mands tenaient toujours le grand port de l’ac­tuel Liepaja et les troupes étaient progres­si­ve­ment évacuées vers le Reich par la mer. Ainsi, c’est le trans­fert de troupes de l’Axe de Cour­lande vers la Pomé­ra­nie début 1945 qui a en grande partie empê­ché les troupes du 1er front biélo­russe de lancer une attaque sur Berlin en février.

Des batailles achar­nées ont fait rage et des tenta­tives de liqui­der le Groupe d’ar­mées Nord, qui compre­nait au début du mois de mai envi­ron deux cent cinquante mille hommes, ont été entre­prises jusqu’à la capi­tu­la­tion de l’Al­le­magne. « L’en­semble de la poche de Cour­lande était parcou­rue par des lignes de tran­chées, nous prenions une tran­chée, puis il y en avait immé­dia­te­ment une deuxième, il semblait que cela n’avait pas de fin », se souvient le soldat Jacob Karas­sine du 140e Régi­ment de fusi­liers de réserve. 

Bien que la reddi­tion massive des troupes de la « poche » ait commencé dans la soirée du 8 mai (plus de soixante mille hommes se sont rendus), la résis­tance s’est pour­sui­vie. Les Alle­mands ont essayé de sauter dans les derniers convois partant vers l’ouest, et de péné­trer par voie terrestre en Prusse orien­tale.

« À Cour­lande, nous n’avons pas terminé la guerre le 8 mai, mais le 13, après avoir fini de nettoyer la zone libé­rée, où nous avons dû verser notre sang, attra­per et ache­ver ceux qui ne voulaient pas se rendre, combattre en fait des kami­kazes quatre jours après la Victoire. La compa­gnie a terminé les combats avec seule­ment onze hommes, dont moi… », a déclaré le lieu­te­nant en chef Mikhaïl Levine. 

La dernière grande bataille à Cour­lande a eu lieu le 22 mai, lorsque les restes du 6e Corps d’ar­mée SS (300 hommes) ont effec­tué une percée. Après que cette tenta­tive eut échoué, son comman­dant, l’Ober­grup­penfüh­rer Walter Krue­ger, s’est suicidé.

Des déta­che­ments dispa­rates d’Al­le­mands ont conti­nué à résis­ter à l’Ar­mée rouge jusqu’en juillet 1945. En outre, des milliers d’ha­bi­tants des États baltes colla­bo­rant avec les nazis ont rejoint après la liqui­da­tion de la poche les rangs des « frères de la forêt », qui ont mené une guérilla contre le gouver­ne­ment sovié­tique pendant plus de cinq ans. 

 

 

 

 

 

 

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