André Gaschy et Anne-Marie Wehrlé (27.7.2018)
André Gaschy est né le 23 avril 1931 à Elsenheim.
Evacué à Montignac avec ses parents, ses quatres frères et sa soeur, il habite au centre de Montignac, coté église, chez Larry Pierre.
Il est voisin de Xavier Prévôt qui, lui aussi, est avec ses parents, ses frères et sa soeur.
Le 30 juin 1940, alors que les enfants jouent dehors et qu’ils rentrent, ils apprennent que Michel Prévôt, tailleur, né le 14 février 1915 à Bootzheim, est décédé d’une maladie.
Pour André Gaschy, son séjour sur place ce passe très bien : il côtoie les enfants de son âge (environ six, sept ans), il pêche souvent dans la Vezere avec ses copains, joue avec eux, se ballade (quand ils sont allés manger, ils ont été appelés une fois les « Ja-Ja ») et va a l’école du village.
Il ira voir la grotte de Lascaux avec son père, avant de partir quelques jours plus tard dans les wagons à bestiaux aménagés avec de la paille ; il n’y a pas de conflit entre les Alsaciens et les Montignacois.
Anne-Marie Wehrlé, née le 16 octobre 1934 à Artolsheim, est l’épouse d’André Gaschy.
Elle est évacuée sur St-Julien-de-Lampon avec ses parents, dans une petite maison dans les bois ; cette maison n’existe plus : elle a été rasée et remplacée par des pommiers.
Elle garde un très bon souvenir de son sejour la-bàs ; ils allaient se baigner dans la Dordogne et prenaient même un bateau pour la traverser quand il y avait des crues.
Elle accompagnait souvent la proprietaire qui vendait des fruits et légumes, allait à l’école et son sejour sur place se passa très bien.
Anna et son frère Antoine Schmitt
Anna Jehl, née Schmitt, est née le 20 juillet 1931 à Elsenheim. Antoine Schmitt, lui, est né à Colmar le 27 décembre 1933.
Devant la menace d’un bombardement, ils sont évacués le 1er septembre 1939.
Antoine Schmitt se souvient d’un homme qui tapait sur un tambour pour informer les villageois qu’ils devaient partir avant 20 heures, le soir, direction Ribeauvillé avec une charette, quelques affaires, leur chevaux et les vaches. Ils marchèrent toute la nuit pour arriver sur une grande place où les réfugiés restèrent pendant presque une semaine, car l’Etat n’avait pas tout prévu pour cette évacuation de masse.
De là, ils sont partis avec leur mère et un petit-frère nommé Robert (né en 1936) en direction de la gare de Guémar pour un voyage interminable dans les wagons à bestiaux dont le sol était recouvert de paille ; ils allaient aux toilettes dans un coin du wagon, tout comme des bêtes. Le soir le train s’arrêtait.
Antoine Schmitt raconte qu’un jour ils sont descendus du train devant un garde-barrière où il y avait un pommier. Tous les jeunes du wagon se sont rués sur les pommes provoquant la colère du garde-barrière.
Quelques jours plus tard, ils sont arrivés à Montignac, sans leur père dont ils n’avaient plus de nouvelles depuis Ribeauvillé. Antoine et Anna me disent que leur père avait traversé les Vosges en direction de la Haute-Saône avec tout son troupeau, puis les a laissé sur place, réquisitionné par l’armée française, comme tout les autres pères du village.
De là, ils ont pris le train en direction de Montignac.
Sur place, ils sont logés coté centre ville pendant environ six mois, dans une grande maison (qui sera la maison du député Delpos) qui est entretenue par une une bonne.
Pendant le premier mois de septembre, ils apprennent par courrier envoyé par les gens de la sauvegarde (restés sur place pour surveiller le village évacué) que leur ferme avait brulé suite à un obus tiré par les Allemands.
Antoine se rappelle que, pour Noël, les réfugiés ont reçu des sapins de Noël qui sont venus par train de Strasbourg, ainsi que des poêles pour cuisiner. Il dit aussi que les Alsaciens ont ramené la neige avec eux, car c’etait une des premières fois qu’ils avaient eu un hiver aussi rude. Ils allaient à la messe tout les dimanches.
Anna se souvient qu’un jour toutes les femmes du village cassaient des noix pour en faire de l’huile.
Pour la nourriture, ils se souviennent que ce n’etait pas trop bon car il n’y avait pas de « cuisinière ». Il y avait à la place un gros chaudron où ils m’étaient des haricots blancs avec d’autres legumes et Anna dit, en rigolant, que quand elle y plantait la fourchette elle tenait debout toute seule.
Pendant six mois, ils restèrent donc à Montignac. Leur père travaillait, leur mère ramassait des pommes de terre quelques kilometres derrière la mairie. Eux allaient à l’école. Le jeudi, jour de repos, ils regardaient les gens aller à l’unique « wc public » et jouaient avec les autres enfants. Ils avaient de bons contacts avec les gens et n’ont pas de problemes.
Anna et Antoine relatent que les gens du village, y compris les réfugiés, qui se soulageaient pendant la nuit jetaient leur besoins dans la Veziere.
Les six mois passés, leur père trouva un nouveau travail dans une ferme ou il s’occupa de vaches, moutons … et partirent donc vers Thonac, juste à coté de la tour penchée, ils changèrent d’école mais elle était très loin et donc mangeaient à l’ecole de Thonac avec des repas préparés par leur mère, des fois des tartines et quelques fois des choses à réchauffer par la maîtresse qui les gardait. Matin et soir, ils devaient remonter la colline et passer par un chemin où il y avait même des serpents, précise Anna.
Quand ils avaient le temps, ils gardaient des moutons. Pour faire le foin, Antoine précise que son père s’occupait des vaches. Les femmes étaient devant la ferme entrain de tricoter. Quand les vaches n’avançaient plus, il utilisait un petit baton en bois avec une pointe. Juste pour information, Anna ajoute qu’il y avait plein de puces et que sa mère avait beau nettoyer avec de l’eau de javel, rien n’y faisait.
De retour à Elsenheim, leur père reconstruisit une autre maison, leur mère eut encore une petite fille nommé Marie-Odile le 18 décembre 1942.
En 1945, un obus au phosphore américain detruira la nouvelle maison, puis quelques mois après, leur frere Robert partit avec un de ces oncles pour chercher du pisenlit pour le manger. C’est alors qu’un drame survient, Robert trouva un obus rempli et enleva l’ogive pour récupérer la douille en cuivre. L’obus éclata dans les mains du pauvre jeune sans lui laisser aucune chance d’en réchapper.
Anna et Antoine ne visiteront pas la vraie grotte.
André Assal (16.8.2018)
André Assal est né le 09 décembre 1929 à Elsenheim.
Il a vécu la même évacuation qu’Anna et Antoine Schmitt, le départ vers Ribeauvillé avec sa famille et tout le village, la semaine sur place puis le train comme les autres villageois.
Il arrive à Montignac ses parents, son frére Roger (né le 22 octobre 1927), ses soeurs Marie-Antoinette (née le 21 septembre 1921) et Suzanne (née le 13 janvier 1933), tous natif de Elsenheim
Ils sont logés au centre ville de Montignac, en face d’un hospice pour personnes âgées. Le propriétaire se nomme Mr Vallac (doute sur orthographe du nom) ; les grands-parents, eux, sont plus haut dans la colline.
Ils vont a l’ecole des soeurs où presque tous les Alsaciens sont scolarisés.
Il me confie qu’il reste souvent entre Alsaciens (les jeunes restant en groupe), pêche souvent dans la Vezière avec Antoine Schmitt ; la nuit avant de rentrer, ils vont au bord de l’eau, attachent un long fil avec plusieurs hameçons et appâts lesté avec un gros cailloux puis, le lendemain matin, vérifient les lignes posés la veille au soir.
Il pêche avec un certain René Fuchs (classe 1922) qui, lui, restera à Montignac pour intégrer le maquis.
On les appelle les « Ja-Ja » de temps en temps… et quelques fois on les appelle les Boches.
A la mairie de Montignac, il y avait même une permanance pour les gens d’Elsenheim.
Il visitera la grotte avant de partir pour l’Alsace sans savoir que certaines personnes d’Elsenheim ont participé à cette découverte.
Son frère Roger, incorporé de force sur le front de l’Italie, va participer à la bataille sanglante de Monte Cassino.
En 1945, juste après les combats de la poche de Colmar, les deux frères iront couper du bois en forêt c’est là qu’un engin explose, blessant mortellement Roger qui succombera quelques minutes après.
André, lui, a plus de chance : ses vêtements tout déchirés, le corps criblé d’éclats, il se traine jusqu’au village puis sera conduit par le boucher à l’hôpital de Colmar où il sera soigné. Il en conserva quelques problèmes d’audition à une oreille.
Marie-Antoinette décèdera bien plus tard d’un cancer. Suzanne, une coupure profonde dans la jambe décèdera d’une hémorragie à l’âge de 39 ans.