En 1953 s’est déroulé le procès d’épuration dit « procès d’Oradour » ou « procès de Bordeaux ». Sur le banc des accusés se trouvaient 14 Alsaciens, un engagé volontaire et 13 Malgré-Nous, inculpés uniquement grâce à la loi spéciale votée en 1948 qui introduisait dans le Droit français les notions de rétroactivité et de culpabilité collective.
Lors de ce procès, il avait été clairement établi, tant aux yeux de la justice (ce qui avait pourtant été déjà fait avec le non-lieu de 1948 et l’enquête des Renseignements Généraux de 1951) qu’aux yeux du public, que nous étions bien en présence de 13 victimes du crime de guerre qu’est l’incorporation de force. Ainsi, lorsque Robert Hébras, un des rescapés du massacre d’Oradour-sur-Glane (10 juin 1944), met en doute dans ses écrits cet enrôlement forcé, il se rend coupable de négationnisme en travestissant une vérité établie et en niant la réalité d’un crime de guerre.
On peut bien sûr s’interroger sur l’intérêt d’une telle démarche. D’être en présence de Malgré-Nous enlève-t-il quoi que ce soit à l’horreur de cette journée du 10 juin ?
Toujours est-il que la Cour d’appel de Colmar a condamné, le 14 septembre dernier, Robert Hébras à un euro symbolique de dommages et intérêts et à 10 000 euros de frais de justice, estimant que, dans son livre Oradour-sur-Glane, le drame heure par heure, il avait « outrepassé les limites de la liberté d’expression en mettant en doute, dans sa version d’origine, le caractère forcé et non volontaire de l’incorporation de force de jeunes Alsaciens dans les unités allemandes de Waffen-SS, notamment ceux ayant participé ou assisté au crime de guerre commis le 10 juin 1944 » et que « la version corrigée par M. Hébras et éditée en 2004, puis en 2009, seule actuellement en vente, ne comporte plus aucune contre-vérité historique et n’est pas critiquable sur ce plan » (Arrêt du 14 septembre 2012, p.7).
Sacrifiés sur l’autel de la politique en 1953, les « 13 » et leurs camarades Malgré-Nous alsaciens-lorrains voient à nouveau leur statut de victimes d’un crime de guerre confirmé par voie de justice. On ne peut que déplorer qu’il faille en passer par là pour faire admettre des vérités historiques.
Nicolas Mengus