Nous sommes à la veille de Noël. Chacun s’apprête à passer un moment agréable au milieu des siens. Personne ne doit être exclu de la joie de Noël, personne ne doit rester au bord du chemin. Et, pourtant…
Dans nos familles, depuis des décennies, il reste toujours une chaise vide : celle du père, du grand-père, de l’oncle, du cousin, du parent bien-aimé disparu quelque part dans les combats de la Wehrmacht.
Des Français, soldats oubliés, morts sans sépulture, fantômes de l’Histoire dont aucun responsable ne veut entendre parler. Ils se sont toujours comportés dignement et, pourtant, ils dérangent. Pour quelles raisons?
Dans quelques mois, nous allons commémorer le 75e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. Récemment, la chancelière, Madame Angela Merkel, s’est rendue au camp de concentration d’Auschwitz en Pologne, 24 ans après la visite du chancelier Helmuth Kohl. Elle a franchi un pas sur le chemin de la repentance. Elle a reconnu la responsabilité de l’Allemagne dans les souffrances infligées aux déportés.
C’est une démarche respectable à laquelle nous apportons notre soutien.
Depuis 1945, les citoyens de l’Europe de l’Ouest vivent en paix. C’est la plus longue période de paix depuis le Moyen Age. Chaque personne souhaite que la paix perdure, à défaut de paix éternelle, la paix pour les prochaines générations.
Pour construire la Paix, il est nécessaire de regarder en face ce qui ne va pas et le dénoncer.
L’Allemagne doit assumer son passé et avancer sur le chemin de la repentance.
Pour nous, cette reconnaissance est une affaire d’Honneur. Pour la RFA, c’est une affaire de dignité. L’Allemagne se grandira par la reconnaissance de ses crimes à notre égard. Rester dans le déni, c’est se rendre complice du passé nazi. Ecrire que l’incorporation de force n’est ni un crime de guerre, ni un crime contre l’humanité (cf. lettre de l’Auswärtiges Amt du 13.5.2016), c’est banaliser le mal, le mettre sur le compte de la guerre.
La guerre n’est pas une zone de non-droit. Elle obéit à des règles. Elle a ses lois. Les officiers obéissent à un code de l’honneur. Depuis la plus haute antiquité, les excès des belligérants furent sanctionnés. Le plus ancien cas connu concerne un chef de guerre qui avait outrepassé ses droits à Salonique au IVe siècle. Il fut excommunié, la plus lourde sentence à cette époque.
Tant que la RFA n’aura pas reconnu l’incorporation de force comme crime contre l’humanité, elle peut pas prétendre :
- avoir tiré les leçons de son passé nazi. Le nazisme est un chapitre douloureux de son histoire qui doit être assumé dans sa globalité. Cela n’est pas le cas actuellement.
- être un pays démocratique comme les autres.
Nous devons commémorer le 75e anniversaire de la Libération
- nous recueillir et nous incliner devant tous ceux qui sont morts pour notre liberté, en premier lieu devant les incorporés de force à la fois victimes et héros de la Seconde Guerre mondiale (ne se sont-ils pas sacrifiés pour sauver leurs familles?).
- rappeler l’histoire de nos trois départements – gardiens de la frontière depuis la conquête romaine. le roi Louis XIV s’est rendu cinq fois à Metz qu’il a qualifié de « sentinelle de la France ».
Pour ma part, la non-reconnaissance de l’incorporation de force comme crime contre l’humanité est incompréhensible.
Aussi rappellerai-je en conclusion ces paroles de la chanson « Sag warum » : « Die Tage gehen mir nichts aus dem Sinn und ich frag’ mich : warum ? (…) Ich rief Dich oft doch Du bliebst stumm (…).
Sag, warum« .
Joyeux Noël à tous,
Renée Baudot, le 23 décembre 2019