- Article paru dans les DNA du 12.4.2022 transmis par Yves Scheeg
Témoignage des descendants d’un Malgré-nous : « Ni un héros, ni un bourreau, ni un martyr »
Jeudi, des collégiens de Sundhouse ont rencontré Richard et Renaud Hartzer, descendants de René Hartzer, Malgré-nous dont ils ont étudié les lettres envoyées à son épouse pendant la Seconde Guerre mondiale.
En travaillant sur les lettres que René Hartzer, un Malgré-nous, a envoyées à son épouse pendant la Seconde Guerre mondiale, les élèves de 3e inscrits à l’option Langues et culture régionale au collège de Sundhouse ont appris à connaître « Riri », son fils de 2 ans ainsi dénommé dans les missives.
« Dans la famille, on n’en parlait pas, c’était un souvenir trop douloureux »
En ce jeudi, « Riri » se tient devant eux, accompagné de son propre fils Renaud. « Bonjour ! Riri, c’est moi. » Richard Hartzer a 80 ans et il a été ému de découvrir dans la presse régionale que des collégiens s’intéressaient aux courriers de son père et en avaient fait une lecture publique à la médiathèque de Wittisheim en février. Ces lettres, Richard en avait fait don aux Archives départementales il y a quatre ou cinq ans sans penser que quelqu’un les exhumerait un jour.
Richard et Renaud Hartzer ont pris contact avec Marie Ettwiller, professeure d’histoire-géo au collège, pour solliciter une rencontre avec les élèves, « afin de boucler la boucle, sourit Richard Hartzer, et les féliciter pour leur travail de mémoire ». Cette rencontre est aussi – et surtout – l’occasion de livrer aux élèves un témoignage. « Cela va peut-être permettre de combler des zones de blanc », indique Marie Ettwiller.
Richard Hartzer n’a pas de souvenir de son père. « Il a été incorporé de force quand j’avais à peine 2 ans et il est mort quand j’en avais 3. J’ai entendu ma mère en parler, quand j’étais en âge de comprendre. » Tandis que Renaud et Richard font circuler des photos de leur aïeul, dont une en uniforme allemand – « la seule que nous ayons » – Richard raconte que son père était télégraphiste à La Poste avant son incorporation.
Richard Hartzer a pris connaissance des lettres de son père il y a une dizaine d’années seulement, « lorsque l’actualité s’est intéressée aux Malgré-nous. Je savais qu’elles existaient mais dans la famille, on n’en parlait pas, c’était un souvenir trop douloureux. Et, inconsciemment peut-être, je n’ai pas eu le réflexe de les consulter. » Renaud, lui, les a découvertes par hasard, « dans une sacoche qui se trouvait au fond d’une armoire. On ne m’en avait jamais parlé. Et c’est grâce à vous, en fait, que j’ai pu les comprendre, dit-il aux élèves, car je ne lis pas l’allemand. »
Il en existe au total une cinquantaine, dont Richard a conservé une bonne moitié. Elles sont aujourd’hui un des seuls liens qui le rattache à son père. « Ma mère me disait qu’il était la gentillesse même et me demandait d’être bon, comme lui, et de ne jamais me fâcher. Je pense qu’il y a une grande part de vérité. »
« Ce n’est ni un héros, ni un bourreau ni un martyr, estime Renaud Hartzer. Il n’était ni résistant ni pro Allemand. C’est le destin malheureusement commun de quelqu’un qu’on sentait, à travers les lettres, très attaché à sa famille. »