KIRCHHOFF Denise

Commentaire (0) La vie quotidienne dans les provinces annexées

Scola­ri­sée à Stras­bourg, Denise Mengus se souvient des bombar­de­ments et des dangers auxquels les élèves s’ex­po­saient en répon­dant de façon irré­flé­chie aux ques­tions de leurs profes­seurs.

Denise Kirchhoff et son fiancé Jean-Pierre Mengus

Denise Kirch­hoff et son fiancé Jean-Pierre Mengus

« Lorsqu’é­clata la guerre, à la fin de l’été 1939, j’avais 14 ans, et j’étais immer­gée dans le monde du sport, de l’ath­lé­tisme en parti­cu­lier. Je venais de gagner la « triple épreuve » et rêvais… des prochains Jeux Olym­piques!!!

Avec l’éva­cua­tion des Stras­bour­geois, je restais éloi­gnée des stades durant un an. Puis, je me suis retrou­vée émer­veillée par ce que les « enva­his­seurs » d’Outre-Rhin nous offraient au niveau spor­tif: toutes les disci­plines dans le cadre scolaire, des faci­li­tés à les pratiquer dans des clubs (ASS-ASPTT).

A 15/16 ans, on ne se sentait pas concer­nés du tout par les ques­tions poli­tiques qui préoc­cu­paient sérieu­se­ment les adultes. La cama­ra­de­rie se déve­lop­pait autour des stades, des sorties dans les Vosges, les baignades au Bain Weiss, Bagger­see, Bad Mathis, etc.

Que l’on nous obli­geait à porter souvent l’uni­forme, nous inci­tait à braver l’in­ter­dic­tion de la langue française. Tout cela me laisse un souve­nir d’in­sou­ciance, que les adultes trai­taient d’in­cons­cience: „Wie ein Blitz aus heite­rem Himmel“. Ce château de cartes s’ef­fon­dra lors de l’in­tro­duc­tion du Reich­sar­beits­dienst (RAD), tant pour les filles que pour les garçons.

Ensuite, lorsque nos copains ont dû revê­tir l’uni­forme de la Wehr­macht, nous avons vite compris ce que signi­fiait le mot « guerre » et comme un régime tota­li­taire débouche dans l’hor­reur: la mort ou la dépor­ta­tion pour les récal­ci­trants.

„Volks­deutsche Elsäs­ser“

Me desti­nant à l’en­sei­gne­ment de l’EPS, j’ai réussi à échap­per aux contraintes des diffé­rents „Krieg­shilf­sdienst“ (Service auxi­liaire de guerre). J’ai été une « privi­lé­giée ».

Avec la mobi­li­sa­tion de mes copines et leur trans­fert en Alle­magne, nos parcours se sont sépa­rés. Les liai­sons avec les copains enga­gés sur le front de l’Est étaient rompues. A la Libé­ra­tion, peu de couples d’amou­reux avaient survécu à cette période tragique.

De nouveaux groupes d’amis se forgèrent car on ne portait pas le deuil des dispa­rus, on gardait espoir. Les tristes anec­dotes s’ou­blient, telle la dispa­ri­tion d’une copine de classe, lors d’un des bombar­de­ments de la ville, qui a même donné lieu à une méprise typique du régime: le lende­main, lors du poin­tage des présentes en classe, le prof m’en­gueule d’un sec „Wo ist Anna?“ (« Où est Anna? ») et je réponds un peu naïve­ment „Sie ist tot“ (« Elle est morte »). Et me voilà accu­sée d’ou­trance à un digni­taire du parti. Aujourd’­hui, on ne peut plus s’ima­gi­ner jusqu’où pouvait conduire une réponse candide.

Le Bund deutscher Mädel

Le Bund deut­scher Mädel Section fémi­nine de la Hitlerju­gend, à Franc­fort-surle- Main en 1937. Pour les jeunes Alsa­ciennes de 14 à 18 ans, l’adhé­sion à cette orga­ni­sa­tion devient obli­ga­toire en 1942. (Photo KNA, coll. L’Ami hebdo)

Plus grave fut la ques­tion perni­cieuse d’un prof alsa­cien parti­cu­liè­re­ment zélé dans l’en­sei­gne­ment poli­tique : „Was sind wir ? “ (« Que sommes-nous ? »). Une élève croit bien faire en répon­dant „Deutsche “ (« Alle­mands »). Un toni­truant „Nein !“ du prof laisse la salle perplexe. La réponse „Elsäs­ser“ est égale­ment reje­tée par le prof. Pour ma part, j’avais eu connais­sance d’un cas de mariage entre une Alsa­cienne et un Alle­mand du Nord. Je lève le doigt… „Ja, sag es ihnen !“ (« Oui, dis-leur! »). Toute décon­trac­tée, j’an­nonce „Fran­zo­sen !“. Sur ce, on enten­dait une mouche voler, le temps de me conduire chez le direc­teur de l’éta­blis­se­ment pour enga­ger les pour­suites! Ce n’était pas facile de leur prou­ver que je ne répé­tais que l’avis d’un fonc­tion­naire d’Etat Civil du IIIe Reich qui faisait des diffi­cul­tés à cet Alle­mand du Nord qui s’ima­gi­nait pouvoir épou­ser une « Française de nais­sance ».

La bonne réponse au prof devait bien sûr être: „Volks­deutsche Elsäs­ser“. Est-il néces­saire de préci­ser que toute contes­ta­tion était passible d’un séjour au camp de Schir­meck? ».

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Les archives russes de Tambow bien­tôt en Alsace ?

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Le camp n°188 de Tambow est l’em­blème des souf­frances de l’en­semble des incor­po­rés de force alsa­ciens et mosel­lans. Il résume à lui seul toute la complexité de la situa­tion des Malgré-Nous. Plus de 60 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les archives russes sont sur le point d’être trans­fé­rées dans notre région grâce à l’As­so­cia­tion des Anciens de Tambow et autres camps1.

C’est en 1996 que Charles Klein, président de l’As­so­cia­tion du Pèle­ri­nage de Tambow, a pu accé­der aux dossiers concer­nant le camp n°188 et l’hô­pi­tal de Kirsa­now. Grâce aux nombreux contacts amicaux noués depuis des années entre l’Al­sace et l’oblast (région) de Tambow, le maire de cette commune a proposé à Charles Klein d’en effec­tuer des copies et de les expé­dier en Alsace.

Une chance pour les famil­les…

L’en­semble de ces dossiers repré­sente sept mètres linéaires d’ar­chives. Leur contenu exact n’est pas connu, mais l’on sait qu’il s’y trouve des listes d’Al­sa­ciens et de Mosel­lans qui ont
été inter­nés ou qui sont morts à Tambow entre 1943 et 1945. L’une d’elles recense plus de 1000 Alsa­ciens et Mosel­lans décé­dés entre juin 1944 et août 1945.

Jean Benoît et Emile Roegel, respec­ti­ve­ment président hono­raire et vice président de l’As­so­cia­tion des Anciens de Tambow et autres camps, qui suivent égale­ment ce projet de rapa­trie­ment, rappellent que le taux de morta­lité dans le camp était énorme : entre janvier et mai 1945, on a dénom­bré 1752 décès. D’autres listes font mention des mala­dies dont souf­fraient les incor­po­rés de force, mais proba­ble­ment aussi des dépla­ce­ments vers d’autres camps ou des comman­dos de travail.

Leurs souve­nirs du camp ont alors afflué. Ils se sont souve­nus de tout jeunes incor­po­rés de force : l’un, de Weyer­sheim, était né en 1927 ; un autre origi­naire de la vallée de la Bruche, né
en 1928, avait été enrôlé peu avant le 22 novembre 1944 ! E. Roegel rapporte que les nouvelles arri­vaient à Tambow par le biais de « nouvel­listes » qui dispo­saient d’une radio. Ces derniers passaient de baraques en baraques pour diffu­ser les nouvelles. C’est ainsi qu’E. Roegel a pu se consti­tuer une carte où figu­raient presque toutes les poches de combats le long du Rhin. Ils se souviennent aussi que le géné­ral De Gaulle, en visite à Moscou, est passé en train à Tambow sans pouvoir s’y arrê­ter. Un senti­ment d’aban­don gagne les trois hommes : « Il savait bien que nous y étions… ». Ce senti­ment perdu­rera après la guerre où « il ne fallait pas frater­ni­ser avec tout ce qui était alle­mand  ». Et J. Benoît, un des 1500 libé­rés en juillet 1944, a rappelé que François Mitter­rand, alors ministre des Anciens Combat­tants, a été le premier à parler offi­ciel­le­ment des « 1500 » en France.

Une ques­tion taraude toujours les trois hommes : « Pourquoi les incor­po­rés de force étaient-ils moins bien trai­tés à Tambow que les Alle­mands ? »

Les trois hommes ont aussi évoqué la récente dispa­ri­tion du peintre Camille Claus qui fut, lui-aussi, captif au camp n°188. Ce dernier avait fait don aux Anciens de Tambow d’un diptyque à la mémoire des incor­po­rés de force décé­dés pendant la guerre. Cette oeuvre a ensuite été donnée au Mémo­rial d’Al­sace-Moselle de Schir­meck, mais elle n’a pu être inté­grée dans la muséo­gra­phie.

… et pour les histo­riens

L’ac­qui­si­tion de la tota­lité de ces archives repré­sente une chance pour les familles qui recherchent la trace d’un proche porté disparu et pour les histo­riens qui s’in­té­res­se­ront à cette tragé­die. En effet, les archives WASt de Berlin n’ayant pas encore été étudiées dans leur globa­lité, il n’existe aucune liste recen­sant tous les incor­po­rés de force, ni de synthèse sur les dispa­rus. Les chiffres offi­ciels avancent le nombre de 40.000 Malgré-Nous décé­dés ou dispa­rus, or seuls la moitié d’entre eux ont été offi­ciel­le­ment décla­rés morts. Et ces chiffres ne sont que des esti­ma­tions. Par ailleurs, il est regret­table que notre pays ne se soit pas doté d’une orga­ni­sa­tion comme le Volks­bund Deutsche Krieg­sgrä­berfür­sorge e.V. alle­mand spécia­lisé dans la recherche des lieux de sépul­ture.

Devant l’in­té­rêt mani­feste des Russes pour ce drame humain que repré­sente Tambow, MM. Benoît, Klein et Roegel – qui ont par ailleurs été inter­viewés en Alsace, il y a quelques semaines, par la première chaine de la télé­vi­sion russe – ont un autre regret : que les archives françaises ne soient toujours pas acces­sibles. En tout cas, il ne fait aucun doute que « ce trans­fert de docu­ments permet­tra d’éclair­cir la situa­tion encore floue et peu chif­frable en l’état actuel sur l’oc­cu­pa­tion du camp à l’époque, sur le nombre de personnes ayant tran­si­tées par ce camp […]. Ce serait impar­don­nable de ne pas saisir cette chance ».

Les dossiers, une fois photo­co­piés, seront traduits et exploi­tés en Alsace. Il restera ensuite à défi­nir les moda­li­tés de leur consul­ta­tion par le public. Mais, pour le moment, il s’agit d’ob­te­nir le concours des instances régio­nales et des collec­ti­vi­tés dépar­te­men­tales d’Al­sace et de Moselle. L’as­sis­tance de la Fonda­tion « Entente Franco-Alle­mande » sera égale­ment solli­ci­tée, les asso­cia­tions ne dispo­sant pas des moyens néces­saires ; le prix du trai­te­ment d’un dossier est estimé à 27 ou 30 roubles (soit un peu moins d’un euro/dossier) et l’en­semble pour­rait être évalué à 5000 euros. L’opé­ra­tion devrait être lancée au début de l’au­tomne 2005.

Nico­las Mengus

1. Asso­cia­tion des Anciens de Tambow et autres camps 11, rue Kuhn 67000 Stras­bourg.

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Les malgré-nous d’Al­sace et Moselle : combien étaient-ils ?

Commentaire (0) Liste des avis de recherche

Le jour­nal L’Ami hebdo s’as­so­cie au recen­se­ment des inco­po­rés de force alsa­ciens et mosel­lans, entre­pris par la Moselle, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, en mettant progres­si­ve­ment en ligne, outre des témoi­gnages, des portraits de « Malgré-Nous » et de « Malgré-Elles » (rédi­gés sur la base de la fiche télé­char­geable), ainsi que des avis de recherche.

Merci à toutes les personnes qui s’as­so­cient à cette grande enquête mémo­rielle.

NM

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Les Alsa­ciens et Oradour. A propos du « pardon » – Doc. trans­mis par Jean Koenig

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